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et ne demandaient qu’à se reposer dans le calme d’institutions libres, mais surtout fortes et obéies. Mais à toutes les époques, sous l’empire, sous la restauration, depuis 1830, a dominé dans son sein le culte des principes de notre révolution, de l’unité, de la grandeur du pays, de l’égalité devant la loi, et de ces règles éternelles de la dignité et de la liberté humaines, que cinquante années de luttes ont pour jamais fondées en France.

On accuse aussi le conseil d’état dans sa juridiction, non de complaisance pour le gouvernement, mais d’un trop grand souci pour les intérêts de l’état, et surtout pour ceux du fisc. J’avoue que je ne saurais traiter sérieusement ce reproche. Ne pourrait-il pas être pris pour un éloge ? En tout cas, c’est moins au conseil d’état qu’il s’adresse, qu’aux lois qui touchent à la fortune publique, à celles notamment qui prononcent des déchéances ; elles sont inexorables. Les corps chargés de leur application subissent la solidarité de leurs rigueurs. Le conseil d’état n’a jamais sanctionné une prétention de l’état, ni du fisc, la croyant injuste ; mais aussi aucune considération privée ne lui fait rejeter une prétention qu’il croit juste. Je sais que beaucoup de plaideurs condamnés se plaignent ; aucun tribunal n’échappe à cet inconvénient. Je sais aussi qu’à plusieurs reprises des commissions de la chambre des députés ont critiqué des décisions par lesquelles il avait condamné le trésor.

Tel est donc le conseil d’état. Il pourrait être supprimé sans violation de la charte ; mais sa suppression compromettrait plusieurs des droits qu’elle consacre. Dans ses attributions administratives, qui le constituent spécialement, il n’est pas un pouvoir public, mais il vient en aide à tous. Il n’est qu’un simple conseil, mais le gouvernement s’empresse, en adoptant ses avis, d’alléger la responsabilité de l’action par celle de la délibération ; les chambres s’en remettent à lui pour préparer, pour achever leurs œuvres, la couronne pour éclairer sa marche ; tous cherchent dans son sein les lumières que promettent la science des lois et l’habitude des affaires, l’influence morale que donne une indépendance vraie et sans ostentation, la sûreté de décision qui suit l’impartialité d’examen ; cette puissance, si j’osais le dire, est plus grande que celle qu’il tiendrait de la loi, car il la doit à l’utilité prouvée de son concours, à son caractère propre, et à son mérite constaté.