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LE CONSEIL D’ÉTAT.

Toutes les garanties d’une délibération éclairée se trouvent, dans la réunion de ces spécialités, rapprochées par les liens communs d’une collaboration habituelle et d’un dévouement égal à la chose publique.

Un conflit s’engage entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire. Celle-ci est à bon droit jalouse de ses attributions. Le public, dans sa juste et heureuse confiance, est toujours prêt à prendre fait et cause pour elle, et s’alarme de tout ce qui semble attaquer ses prérogatives ; mais l’administration doit aussi défendre les siennes ; c’est son droit et son devoir. Un ministre seul n’oserait dessaisir l’autorité judiciaire ; il le fait sans crainte, en vertu de l’opinion d’un corps où règne le respect de la constitution, et qui ne souhaite que la juste distribution des pouvoirs et leur jeu régulier.

Le gouvernement central est en dissentiment avec les assemblées électives du département ou de la commune. Se tromper serait une faute et parfois un danger. Le conseil d’état est consulté : s’il blâme, le gouvernement ne compromet pas sa dignité en déférant à l’avis de son propre conseil ; s’il approuve, le gouvernement croit à son bon droit, se sent appuyé et poursuit.

Dans l’ensemble des travaux administratifs, le conseil d’état est pour les ministres un guide d’autant plus suivi, qu’il sait leur résister ; pour les citoyens, un défenseur d’autant plus écouté, qu’il sait leur donner tort. Il tient la balance égale entre tous ; il apaise les débats d’attributions qui surgissent entre les divers départemens ministériels, et introduit ainsi l’unité dans la pluralité. Il s’interpose, comme un arbitre, entre l’administration et les administrés ; il s’attache, sans jamais conseiller d’indignes concessions, à supprimer les frottemens, à rendre la marche du pouvoir plus facile et plus douce.

Les comités sont pour chaque ministre un conseil administratif qu’il peut consulter en toute occasion, conseil spécial, toujours au courant des matières qui lui sont soumises, toujours prêt à donner les avis qui lui sont demandés ; ils acquièrent dans leurs travaux habituels la connaissance des affaires de chaque ministère, ils se réunissent quelquefois deux ou trois pour discuter des questions qui intéressent et partagent leurs départemens respectifs et pour les concilier. Tous ensemble ils composent l’assemblée générale du conseil d’état. Il est aisé de comprendre combien, en présence de tant de spécialités diverses qui représentent toutes les branches du service public, la discussion est complète, rapide et éclairée. Aucun renseignement inexact ne peut avoir cours, aucun intérêt d’administration n’est privé d’organe, et si, comme il arrive en toute délibération,