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Les ministres, assistés des bureaux, ne suffisent donc pas à l’exercice des pouvoirs conférés à la couronne. Dans les difficultés de la politique, les chambres leur viennent en aide et leur présentent toute la force dont ils ont besoin : là est la vertu du gouvernement représentatif ; mais, dans les questions d’un intérêt purement administratif et, si l’on peut ainsi dire, intérieur et pratique, ce levier leur fait défaut ; ils sont faibles, impuissans, désarmés.

De grands fonctionnaires, placés en dehors des vicissitudes et des préoccupations de la politique et préposés aux diverses branches du service public, pourront bien donner l’impulsion aux affaires ; des commissions accidentelles, composées d’hommes spéciaux, de pairs, de députés, d’administrateurs éprouvés, éclaireront une question déterminée ; mais les uns et les autres n’offrent qu’un palliatif imparfait à l’état d’isolement du pouvoir central.

Un autre secours lui est nécessaire. Des conseils, organes des citoyens, le surveillent et le contiennent de toutes parts : qu’il ait aussi son conseil. On soumet tous ses actes à la discussion et à la critique : qu’il puisse lui-même, quand il le croit bon, faire discuter et critiquer ses projets, avant de les réaliser. L’opposition fait appel pour le combattre aux recherches des savans, à l’opinion des jurisconsultes, à la plume des publicistes ; qu’il ait auprès de lui des savans, des jurisconsultes, des publicistes, qui forment comme un foyer de lumières, comme une sorte de congrès intellectuel ; que ce conseil soit composé d’hommes graves et expérimentés, qui trouvent dans ses rangs la récompense de leurs services passés et une situation assez grande, assez stable, pour satisfaire leur ambition et garantir leur indépendance ; que plusieurs d’entre eux, appartenant aux deux chambres, établissent entre le parlement et le pouvoir exécutif un échange de communications et de doctrines qui les rapprochent et les concilient ; que ce conseil soit aussi éloigné de l’opposition systématique que de la servilité, non moins pénétré des nécessités du gouvernement que soucieux des droits et des intérêts privés, étranger aux luttes d’une politique mesquine et secondaire, supérieur à toutes considérations de personnes, et qu’il voie dans le gouvernement, non les hommes, ses dépositaires passagers, mais l’intérêt social, son but permanent.

Un tel conseil sera dans toute l’action administrative le point d’appui du pouvoir exécutif ; aidés par lui, les ministres craindront moins de faillir à cette partie de leur tâche. Sans doute, tous les obstacles ne seront pas aplanis, toutes les oppositions vaincues ; mais il don-