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LE CONSEIL D’ÉTAT.

l’exécution des lois impose au pouvoir exécutif d’autres obligations. Il est tenu de demeurer fidèle à la pensée du législateur en la développant, quelquefois même en y suppléant ; il porte seul la responsabilité de cette œuvre délicate.

L’intérêt constitutionnel de la séparation des pouvoirs a fait conférer à la couronne des prérogatives importantes.

Selon les formes et dans les cas réglés par les lois, elle a droit de dessaisir l’autorité judiciaire des questions qui seraient du domaine de l’administration ; elle déclare le conflit et s’attribue à elle-même la connaissance des contestations qu’elle reconnaît de son ressort.

Elle défend ses agens contre toute entreprise, en empêchant qu’ils soient traduits devant l’autorité judiciaire sans son aveu.

Elle protége ses actes contre toute altération, en usant seule du droit de les interpréter.

Elle juge, par l’intermédiaire de corps spéciaux organisés à cet effet, certains litiges qui, par leurs liens intimes avec l’intérêt public, par leurs rapports avec l’administration, exposeraient l’autorité judiciaire à sortir de sa sphère.

Préposée à l’administration générale du royaume, la couronne doit rappeler toutes les autorités administratives à une jurisprudence unique, les contenir dans les limites de leur compétence, et malgré la diversité des objets, la variété des procédés et le grand nombre des instrumens, imprimer à l’exécution des lois administratives la régularité et l’uniformité.

Ses pouvoirs administratifs sont aussi étendus que nombreux : ils embrassent la gestion de la fortune publique, la perception des impôts, l’emploi des revenus de l’état, l’exécution des travaux publics, l’entretien des armées de terre et de mer, les mesures à prendre pour la défense du royaume, la tutelle sur les départemens, les communes, les établissemens publics ; la police enfin, c’est-à-dire l’ensemble des dispositions qui tendent à assurer aux citoyens les bienfaits de l’ordre, de la sécurité et de la salubrité.


Combien l’exercice de ces fonctions diverses exige de science, de soins, de travaux, et par conséquent quelle immense responsabilité encourent les agens chargés de les accomplir ! Mais aux difficultés qui résultent des devoirs en eux-mêmes se joignent celles qui tiennent à l’état général des esprits, au caractère des peuples libres, aux contrôles dont l’autorité publique est entourée par l’esprit inquiet des gouvernemens représentatifs.