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REVUE — CHRONIQUE.

savans. C’est certainement sur sa prière qu’on s’est montré, dans les autres états, excepté dans ceux du saint-siége, favorable à une réunion qui devait naturellement exciter des défiances, et le congrès lui est redevable du nombre même de ses membres. Il a fallu pour en venir là de véritables négociations diplomatiques.

À son arrivée, chaque savant étranger à la Toscane a reçu un exemplaire d’une description de Florence rédigée par les soins du bureau du congrès et imprimée exprès pour la circonstance, un très beau plan de la ville, un charmant portrait de Dante encore jeune d’après une fresque de Giotto récemment découverte, et plusieurs autres petites publications relatives au pays. C’est le grand-duc qui a voulu faire à ses frais cette politesse aux étrangers. Il s’est chargé en outre de toutes les dépenses du congrès, telles que frais d’impression, appropriation des locaux, etc. Les membres étrangers n’ont eu à payer que leurs dépenses de voyage et de séjour ; encore le grand-duc a-t-il donné une forte indemnité (environ 20,000 francs) à un restaurateur de Florence pour qu’il pût bien traiter le congrès à bon marché. On voit qu’il est difficile de pousser plus loin l’hospitalité, d’autant plus que le prince s’est empressé en même temps de mettre ses palais, ses musées, ses jardins, à la disposition de l’assemblée, pour y tenir ses séances et en jouir à son gré.

Après la messe du Saint-Esprit, le congrès s’est rendu processionnellement de l’église de Santa-Croce au Palazzo Vecchio. La plus grande salle de cet antique et célèbre palais, le plus historique peut-être de l’Europe, avait été préparée pour une séance publique. Toute la société de Florence y était réunie. Quand l’assemblée a eu pris place, le grand-duc et la grande-duchesse, sœur du roi de Naples, sont entrés dans la salle, où ils ont été accueillis par d’unanimes applaudissemens, et le marquis Cosimo Ridolfi, président général du congrès, a prononcé le discours d’ouverture.

Le passage le plus important de ce discours, remarquable d’ailleurs à plus d’un titre, a été celui où le président a montré les congrès comme devant effacer les anciennes traces des rivalités locales en leur substituant le sentiment d’une patrie commune, et atténuer ainsi les maux produits par la division politique de l’Italie. C’est un véritable évènement, dans l’état actuel de la péninsule, qu’une pareille phrase prononcée en présence du grand-duc. Il n’en fallait pas beaucoup plus, il y a quelques années, pour être proscrit. Il est vrai que le grand-duc a prouvé de plusieurs manières qu’il ne craignait pas les proscrits italiens. Deux savans italiens que les évènemens politiques ont forcés de quitter leur patrie, M. de Collegno, de Turin, actuellement professeur de géologie à la faculté des sciences de Bordeaux, et M. Orioli, qui, après avoir long temps erré, a fini par occuper une chaire à l’université de Corfou, assistent tous les deux au congrès de Florence, et y ont été très bien reçus. Deux autres bannis, M. Mollotti et M. Malaguti, viennent d’être nommés par le grand-duc, l’un à une chaire de l’université de Pise, l’autre à Florence même.

On a remarqué à Florence que, depuis la chute de la république, il n’y avait pas eu dans la grande salle du Palais-Vieux une réunion semblable à celle du 15 septembre. M. Ridolfi est peut-être le premier qui y ait pris la parole en public depuis Savonarola. Sans doute il ne faut pas attacher beaucoup d’importance à de pareils rapprochemens ; leurs conséquences positives