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DE LA RENAISSANCE ORIENTALE.

chaque société a été, en quelque sorte, rejetée sur un autre plan. Par delà les dieux de l’Ionie, on aperçoit, dans les montagnes de l’Asie, les dieux indiens. L’Olympe recule jusqu’à l’Himalaya. Peu à peu l’Occident recueille les dépouilles et la sagesse de ce vieux monde, manuscrits apportés par les missionnaires et les voyageurs, hymnes, genèses, liturgies, rituels, épopées, codes de lois écrits en vers, drames, philosophie, théologie, scolastique. Une partie de ces manuscrits, encore inédits, sont de notre temps ce qu’étaient l’Iliade et l’Odyssée pour Pétrarque, qui dévorait inutilement des yeux le premier exemplaire d’Homère transporté de Constantinople à Venise. Ce que Lascaris et les réfugiés de Byzance firent pour la renaissance des lettres grecques, William Jones, Anquetil Duperron, l’ont fait de nos jours pour la renaissance orientale. Dans la première ardeur des découvertes, les orientalistes publièrent qu’une antiquité plus profonde, plus philosophique, plus poétique tout ensemble que celle de la Grèce et de Rome, surgissait du fond de l’Asie. Orphée cédera-t-il à Vyasa, Sophocle à Calidasa, Platon à Sancara ? Les dieux de l’Olympe recommenceront-ils leurs luttes contre les anciens dieux orientaux, ou, les uns et les autres cessant de se disputer des cieux trop étroits, ne se réconcilieront-ils pas au sein de la tradition universelle ? Tout ce que le passé renferme de religion, tous les élémens sacrés de la tradition se rapprochent subitement dans un chaos divin, pour enfanter, il semble, une forme nouvelle de l’humanité ; car ce qui se passe dans la science éclate avec plus d’évidence encore dans la vie civile et politique. L’Occident s’informe de l’Orient non-seulement dans le passé, mais dans le présent. L’Europe adhère désormais à l’Asie par les faits comme par les idées, par les intérêts comme par la tradition. Chaque peuple veut mettre le pied sur cette terre où le sphinx jette de nouveau son énigme ; et ce n’est pas seulement l’Europe qui se rapproche de l’Orient : celui-ci sort de son immutabilité, il apprend les disciplines modernes. L’Europe, pour gouverner l’Asie, n’a plus besoin, comme Alexandre, de revêtir la robe asiatique. Constantinople a quitté le turban. Quel ordre nouveau sortira de la fusion, des épousailles de ces deux mondes, de ces traditions qui se ravivent, de ces langues mortes qui se délient dans leur sépulcre embaumé ? En même temps que l’ancien testament du genre humain s’augmente des pages retrouvées dans les bibles de l’Inde et de la Perse, ne faut-il pas que le nouveau se développe, qu’il dévoile, qu’il étale de plus en plus l’esprit enseveli dans la lettre ? Et si, au XVIe siècle, la renaissance grecque et romaine, achevant de