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DE LA RENAISSANCE ORIENTALE.

l’Asie. Au culte de la douleur succède l’esprit de l’industrie. L’Occident adhère encore une fois à l’Orient ; une ère nouvelle commence. La race européenne a rejoint son berceau ; l’humanité se replie un moment sur elle-même, comme le serpent des symboles qui noue son anneau autour du globe.

Il faut rendre cette justice au XVIIIe siècle, que sous la raillerie il cacha une sorte de pressentiment d’une renaissance orientale. Ce pressentiment, il est vrai, allié au scepticisme, naissait surtout du désir de trouver dans l’ancien Orient une société rivale de la société hébraïque ; il faut ajouter que les encyclopédistes ne connurent de la Perse et de l’Inde que ce qu’en avait su Hérodote. Voltaire, surtout, allait le premier au devant de cette société perdue. Une foule de fragmens attestent, vers la fin de sa vie, son impatience toujours croissante. Dans son empressement à saisir tout ce qui pouvait disputer au génie hébraïque la couronne de l’Orient, il fut souvent trompé par des ouvrages supposés. Il fonda en partie sa religion complaisante pour le haut Orient sur un prétendu manuscrit asiatique, l’Ézour Vedam, qu’il fit solennellement déposer à la Bibliothèque royale. On a reconnu que l’auteur, qui devait être antérieur de plusieurs siècles à Moïse, était en effet un jésuite missionnaire du XVIIe siècle. Voltaire trop confiant, trop crédule ! le roi du scepticisme pris à la fin dans ses propres embûches ! qui s’y serait attendu ?

C’est qu’il était facile alors de s’abuser sur l’Inde et sur la Perse. Les bibliothèques d’Angleterre possédaient, il est vrai, quelques lambeaux des anciennes langues de ces peuples, mortes dès le temps de Cyrus ; mais personne en Europe n’en connaissait même l’alphabet. Pendant des milliers d’années le trésor des souvenirs de cette double civilisation avait été gardé par le génie de la solitude. Comment ce mystère va-t-il être soulevé ? Comment le sceau qui a été apposé sur les lèvres muettes de l’Orient va-t-il être brisé ? Comment les paroles ensevelies vont-elles se ranimer et révéler la pensée, les croyances, les dieux perdus de l’extrême Orient ? Quel est celui qui laissera le premier son nom à cette découverte ? C’est Anquetil Duperron. Il fut le Marc-Pol du XVIIIe siècle.

Une feuille enlevée à l’un des livres sacrés de la Perse tombe par hasard sous ses yeux. À la vue de ces caractères, dont la clé était perdue, ce jeune homme (il n’avait pas vingt-trois ans) se sent consumé d’une curiosité infinie ; il se représente toute la sagesse du monde antique cachée sous cette lettre enchantée ; il fait serment d’apprendre cette langue que personne n’entend plus en Europe. Il ira l’épeler