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LA GALERIE ROYALE DE TURIN.

femmes y ont cet air svelte et superbe, cette ampleur orientale de vêtement, cette éblouissante fraîcheur de carnation, qui distinguaient ses nobles modèles ; enfin la lumière est répandue sur toute cette toile avec la prodigalité d’un homme qui sait que, dans ce genre, sa richesse est inépuisable. L’éclat du jour rayonne sur cette foule de personnages d’attitudes si diverses, sur ces colonnes jaspées d’azur et de rose, et sur chacun de ces innombrables accessoires si heureusement disposés. C’est la nature dans toute sa pompe, illuminée par les reflets azurés de ce ciel d’une transparence vraiment divine et si richement lamé d’argent.

Paul Véronèse soutient presque à lui seul la gloire de l’école vénitienne dans la galerie piémontaise. Le Titien n’y est représenté que par une composition d’un mérite tout-à-fait secondaire, et Giorgione, son rival, et son maître s’il eût vécu, par un portrait d’une authenticité fort contestable. Palma Vecchio, auteur d’une belle Sainte Famille entourée de saints et de saintes, mérite seul d’être distingué après le grand artiste de Vérone.

Les tableaux des écoles hollandaise et allemande, que l’on voit à la Galerie royale de Turin, sont nombreux et la plupart d’un mérite rare. C’est là que se trouvent peut-être les portraits de Van-Dyck les plus achevés : le prince Thomas à cheval et les enfans de Charles Ier. Le portrait de ce monarque, par son élève Daniel Mytens, pourrait être pris pour un des ouvrages de ce portraitiste sublime. C’est la nature dans toute sa simplicité majestueuse ; l’œil du prince semble mobile, sa bouche va s’ouvrir, son bras se lever ; l’architecture seule du fond est un peu lourde et n’a pas l’aspect d’aisance magistrale du reste de ce tableau.

Plusieurs compositions de Gérard Dow, entre autres la Femme à la grappe de raisin et le Médecin, sont du meilleur temps de ce maître et remarquables par cette prodigieuse finesse d’exécution qui distingue ses moindres tableaux, et qui ne nuit jamais à l’effet d’ensemble. Les Berghem, les Teniers, les Breughel, les Freedeman de Vries, les Ostade et les Both d’Italie y sont nombreux et choisis. Les Joueurs de Flûte d’Isaac Van Ostade sont sans doute un admirable petit tableau qui ne peut manquer de plaire à ceux qui aiment la nature toute naïve, quelque disgracieuse qu’elle soit ; l’on conçoit néanmoins qu’à la vue de semblables figures Louis XIV se soit écrié : — Qu’on enlève ces magots !

La perle de l’école flamande, c’est le portrait dit du Bourguemestre, que M. d’Azeglio attribue à tort à Nicolas Maas, et qui est bien de