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LE PARATONNERRE.

— En ce cas, je suis plus avancé que vous. J’étais depuis quelques jours assez embarrassé de ma personne, je ne savais que faire jusqu’à la mi-octobre, quand hier au soir il m’est venu tout à coup une inspiration sublime dont rien ne vous empêche de profiter. Je vais en Suisse voir notre ami Richomme. Hein ! qu’en dites-vous ?

— Je le connais à peine, notre ami Richomme.

— Laissez donc ; j’ai dîné chez lui avec vous ; et il vous a invité, moi présent, à aller à sa campagne. Sa femme prise beaucoup votre esprit. D’ailleurs, le plus grand plaisir qu’on puisse leur faire est d’aller les voir. Vous savez que notre ami Richomme est fort bien nommé. Il possède là-bas, près de Berne, une propriété magnifique ; c’est tout-à-fait la vie de château. Aimez-vous la chasse ? il y a des bois superbes et du gibier à foison. Préférez-vous la pêche ? L’Aar est à deux pas. Avez-vous le goût de l’étude ? une bibliothèque considérable est à votre disposition. Et puis journaux, billard, chevaux de selle, voitures, en un mot toutes les ressources que doit offrir une maison parfaitement montée. Je ne dis rien de la table, qui est excellente, ni du pays, que vous connaissez. On est aux portes de l’Oberland ; en fait de pittoresque, c’est tout dire. Enfin, pour brocher par-dessus tous ces agrémens, une société sans cesse renouvelée : attrayantes Bernoises, agaçantes Frihourgeoises, séduisantes Lucernoises, ravissantes Zurichoises ! Est-ce que cela ne vous tente pas ?

— Je crois que vous avez en effet juré de me tenter, répondis-je en souriant de la chaleur que mettait Maléchard à vanter les délices de la campagne de notre ami commun.

— Vous devez comprendre, reprit-il gracieusement, que je serais enchanté de vous avoir pour compagnon de pèlerinage. Voyons, supposons que je réussisse à vous entraîner ; de combien de temps pourriez-vous disposer ?

— Mais… je vous avouerai que d’ici à un mois environ je ne prévois ni affaires urgentes ni plaisirs absorbans.

— À merveille : quatre jours pour aller, autant pour revenir, et trois semaines là-bas. Cela m’arrange parfaitement. Quand partons-nous ?

Pouvais-je faire mieux que d’accepter une proposition qui venait ainsi, comme à point nommé, terminer mon embarras ? Sans être intimement lié avec M. Richomme, j’étais sûr d’être bien reçu chez lui, car, ainsi que l’avait dit Edmond, il mettait son plaisir, et surtout sa vanité, dans l’exercice d’une hospitalité fastueuse. Il m’avait,