Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
LA GALERIE ROYALE DE TURIN.

plus de simplicité et plus de grandeur. Le prêtre, placé au centre du tableau dans un confessionnal, écoute par l’une des ouvertures latérales la confession de l’impératrice-reine, placée à sa droite. À sa gauche, un paysan agenouillé dans l’autre partie du confessionnal attend que l’impératrice ait reçu l’absolution, et que son tour soit venu. Ce qui ajoute encore à l’intérêt de cette scène, déjà grande par elle-même, c’est la destinée des deux principaux acteurs, du saint et de l’impératrice ; Le saint est l’un des martyrs les plus éclatans du secret de la confession. Chanoine de Prague et confesseur de sa souveraine, Jean fut sollicité à diverses reprises par l’empereur Venceslas, qui soupçonnait sa femme de nourrir un amour adultère pour l’un des seigneurs de sa cour, de lui livrer le secret de la confession de l’impératrice. Jean résista aux menaces et aux séductions. L’empereur, voyant qu’il ne pouvait rien tirer du saint homme, le fit jeter dans la Moldaw. C’est à cette occasion que le chanoine Jean fut canonisé sous le nom de saint Jean Népomucène, de Nepomuck, sa ville natale.

La manière de Daniel de Crespi rappelle beaucoup celle de Lesueur. On trouve dans ses compositions religieuses la même simplicité d’effet et de moyens, la même onction et quelquefois la même suavité évangélique. Dans ce tableau de saint Jean Népomucène, la figure mélancolique et résignée du saint exprime assez finement quelle doit être sa destinée ; c’est un martyr et un martyr du dogme religieux plutôt qu’un martyr de générosité humaine ou chevaleresque. Il pourrait parler, en effet, sans perdre sa royale pénitente ; la piété de celle-ci, est trop calme, trop confiante, pour qu’elle soit coupable. L’extrême sobriété dans l’emploi des accessoires semble l’un des caractères particuliers du talent de Daniel de Crespi et rapproche encore sa manière de celle de Lesueur. Quels sont les accessoires dans ce tableau de la Confession ? Le chapelet que tient l’impératrice, le livre de prières du saint et le bâton du paysan. Daniel de Crespi est du nombre de ces artistes privilégiés qui disposent de la lumière, et par conséquent du relief, sans effort, et qui avec la plus grande économie de moyens obtiennent souvent un effet vraiment surprenant. Daniel de Crespi s’était fait en outre une loi de ne jamais employer dans ses compositions un personnage qui ne fût pas nécessaire à l’action. Toute sa vie il resta fidèle à ce principe. Si l’on enlève de l’un de ses tableaux n’importe quel personnage, l’intérêt de la composition est aussitôt détruit, l’action même n’existe plus. Cette règle de l’unité d’action, appliquée à l’art de la peinture, ne fut jamais