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la déposition de croix, cette dernière scène de la sublime tragédie de la passion, qui résume en un seul instant toutes les douleurs physiques de l’homme-dieu, toutes les douleurs morales de ces cœurs tendres qui se réunissent pour rendre de pieux et derniers devoirs à l’adorable maître qu’ils ont tant aimé, et qui pleurent ensemble sur cette dépouille mortelle qu’il leur a laissée : la Vierge, la Madeleine, la mère des fils de Zébédée, Joseph d’Arimathie, le disciple secret et timide, qui du moins a le courage d’honorer mort celui que, vivant, il eût peut-être renié, comme saint Pierre.

Au point de vue humain, une telle scène renferme un degré de pathétique suffisant pour toucher tous les cœurs. Qui de nous n’a pleuré un ami ? qui de nous n’a été témoin de la douleur d’une mère, cette douleur qui anéantit toutes les autres ? Au point de vue religieux, cette scène devient sublime ; toutes ces douleurs changent de caractère. Cette mère pleure, mais elle pleure un Dieu, et son regard, son attitude toute maternelle, sont saintement résignés. Ces hommes et ces femmes sont affligés, ils ont perdu celui qu’ils aimaient par-dessus tout, mais leur confiance survit à sa mort. Loin d’eux la pensée de le regarder comme un imposteur qui les a trompés. Ils l’ont vu battre de verges, et ils sont prêts à le glorifier ; ils l’ont vu crucifier, et ils croient toujours en lui ; ils l’assistent mort, et, s’il le faut, ils mourront comme lui et pour lui.

La composition de Gaudenzio Ferrari est fort simple. Au centre du tableau on voit le Christ soutenu par sa mère, qui attache ses yeux et tout son visage fatigué par la douleur (car tout son visage a pleuré) sur le visage calme et sublime de son fils ; le tenant dans son giron, comme la mère tient son enfant, une main passée sous le bras droit, que soutient affectueusement une des saintes femmes, les doigts entrelacés dans ses doigts, l’autre main à la hauteur des genoux et les rapprochant. À la droite du Christ et de sa mère, et dans l’angle gauche du tableau, la sainte femme qui tient la main de la Vierge semble plongée dans toute la stupéfaction de la douleur, et serre affectueusement contre sa joue ce bras qu’elle soutient. À la gauche du Christ, un de ses disciples debout, enveloppé d’une robe aux larges plis, contemple tristement le visage de son Seigneur bien-aimé, écartant machinalement les bras qui pendent, entr’ouvrant les mains, et faisant ainsi ce geste de résignation commun à tous les hommes. À côté de ce disciple, et tout-à-fait sur le premier plan du tableau, la Madeleine agenouillée a saisi les pieds du Christ, qu’elle appuie contre sa joue avec le mouvement passionné et caressant d’une