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en plusieurs occasions où le marquis, indigné de ce qu’il voyait s’était laissé emporter.

M. de La Charnaye passa trois mois à Paris, après quoi des lettres alarmantes le rappelèrent dans sa province. Gaston, à son départ s’efforça de le rassurer, et lui jura qu’ils défendraient le roi, lui et ses amis, jusqu’à la dernière goutte de leur sang. Il fut convenu qu’il lui écrirait régulièrement ce qui arriverait. Le marquis trouva les provinces plus émues, et surtout le Bas-Anjou et le Poitou, où les paysans gardaient leurs curés et assistaient aux offices le fusil à la main. On apprit bientôt les évènemens du 10 août. Gaston assista, dans cette journée, à la prise et aux massacres du château ; il se battit tout le jour à côté de M. Marigny, Larochejaquelein et Charette, singulier hasard qui réunit sur ce théâtre les plus illustres chefs de la Vendée. Quand il vit tout perdu, Gaston, désespéré, son épée brisée, séparé des siens, imagina de se mêler aux égorgeurs ; il ramassa un coutelas, poignarda six ou sept hommes dans cette foule ivre de vin et de carnage, s’affubla d’un bonnet rouge, et s’échappa couvert de sang par la grille du Pont-Royal. Le roi prisonnier, il n’avait plus qu’à rentrer dans sa famille ; mais il préféra se cacher dans Paris avec des gentilshommes qui entretenaient encore des intrigues dans l’espoir de délivrer Louis XVI.

Les récits de cette journée accrurent le trouble dans les provinces de l’ouest ; les règlemens administratifs trouvèrent partout de la résistance ; on s’ameuta, on insulta le nouveau régime. Le général Dumouriez, commandant à Nantes, entra dans le Bas-Poitou à la tête du régiment de Rohan et des gardes nationales. Enfin vint le jour où l’on se dit avec épouvante dans les campagnes : Le roi est mort. Cette nouvelle tomba dans le pays comme un coup de foudre ; pour en comprendre l’effet, il faudrait se représenter l’idée de grandeur et de vénération inexprimable qu’attachait alors à la royauté le peuple des champs et des provinces. Deux mois après, l’Anjou, le Poitou et une partie de la Bretagne étaient en pleine insurrection ; mais les partis ne se connaissaient point, la ligue n’eut pas de chef. Tout rentra dans un calme apparent. Ce fut Gaston, parti de Paris à travers mille dangers, qui confirma à Vauvert le bruit du supplice de Louis }XVI. Le marquis l’embrassa sans parler. Ce qu’il ne pouvait concevoir, c’est qu’il ne se fût point tiré un coup de fusil dans un pareil jour ; il lui échappa de dire qu’il avait honte d’être Français. Jusqu’alors la paroisse était tranquille ; elle était des plus écartées, et les agens du gouvernement l’inquiétaient peu. On essaya d’arra-