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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

sur lequel il spécule. On conçoit, dès-lors, ce qui arrive. La nature communique au métier sa poésie, et, quant à la partie pittoresque du lied, elle se détermine d’après la différence de l’élément auquel on s’applique. Ainsi le lied du pêcheur puise dans l’eau son élément, sa poésie et sa musique, où vous entendez comme les fluctuations et le roulis des vagues, tandis que le bois et la forêt donnent au lied de chasse son coloris qu’il leur emprunte. — Sans cesse occupé à inventer des piéges et des ruses, à traquer la bête fauve à travers les taillis et les précipices, le chasseur vit solitaire, dans une inquiétude sans trêve ni répit, et le lied de chasse, rude et sauvage, mais d’une expression énergique et puissante, pleine de vaillance et d’autorité, est fait à l’image du type. Autre chose est l’existence du pâtre. Celui-là ne s’égare pas à plaisir sur la trace d’une proie vagabonde, celui-là ne connaît ni les angoisses de la lutte, ni les transports de la victoire. Il ne court pas les animaux, il les garde, et son attitude paisible et normale réfléchit la sérénité de ses fonctions rustiques. De là ce caractère de quiétude et de placidité que ses chansons respirent. Il peut se livrer sans réserve au sentiment qui le possède, s’étendre en toute liberté, ce qui fait que le lied du pâtre est singulièrement avec le lied du chasseur, si brusque dans sa concision.

Là-haut sur la montagne
Je me tiens bien souvent,
Et j’abaisse en rêvant
Mes yeux vers la campagne ;
Mes brebis vont paissant,
Mon chien les accompagne,
Et me voilà rendu
Au pied de la montagne,
Sans m’en être aperçu.

Là, mille fleurs dans l’herbe
Viennent, — c’est un plaisir,
Et, quand j’ai fait ma gerbe,
J’ignore à qui l’offrir.

Sous un arbre j’essuie
La tempête et la pluie,
Et la porte, là-bas,
Reste fermée ; hélas !
Tout est songe en la vie !