Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/853

Cette page a été validée par deux contributeurs.
849
DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

sourit, et te dit en raillant : — Va, marche ! — Elle te retiendrait, toi aussi, n’est-ce pas ? — avec son seul doux regard d’amour.
LE RUISSEAU.

J’ai tant de peine, tant de peine à quitter ce lieu ; — je ne serpente plus que doucement — par les près, — et si ce n’était que de moi, — j’aurais bientôt rebroussé chemin.

L’ADOLESCENT.

Compagnon de ma peine amoureuse, — je pars. — Peut-être un jour auras-tu pour moi un murmure de joie. — Va, dis-lui tout de suite, et dis-lui souvent, — ce qu’en silence le garçon désire et espère.

Nous avons parlé tout à l’heure de ces petits chefs-d’œuvre dont la poésie allemande abonde au XVe siècle, et qui empruntent d’ordinaire leur principal motif aux tristesses de la séparation.

Dans cette région d’inspirations élégiaques, d’honnête et pure sentimentalité, je ne sais rien de plus naïf, de plus touchant, que le morceau qu’on va lire, et qui remonte à l’époque où les premiers lieds populaires commencent à poindre :

« À Coblentz, sur le pont, gisait une neige profonde ; la neige est fondue, l’eau s’écoule en étang.

« Elle coule dans le jardin de ma bien-aimée. Là personne n’habite ; j’ai bien long-temps attendu ; deux petits arbres tremblent seuls, ils élèvent leurs couronnes au-dessus du vert miroir des eaux. Ma bien-aimée habite là-dessous, je ne puis aller vers elle.

« Lorsque Dieu me sourira à travers l’azur de l’air et du vallon, elle me sourira hors du fleuve, ma bien-aimée, elle aussi.

« Elle ne vient plus sur le pont ; là passent bien des belles femmes : elles ont beau toutes me regarder, moi je n’en vois aucune. »

Souvent, en face de ces dispositions mélancoliques, un scepticisme frivole et goguenard vient se poser, croise les bras et s’en amuse ; alors la corde qui pleure se tait devant l’éclat de rire, tout scrupule en amour est bafoué, toute constance, toute foi sans tache traitée d’illusion et de chimère. L’ironie va son train sans rien épargner ; comme on le pense, le gros sel abonde, et le persifflage de bon goût, la pointe acérée et vive, l’atticisme, ne sont point ce qu’il faut chercher dans ces plaisanteries où se rencontrent des gentillesse de la façon de celle-ci, par exemple :

« Si tu vois ma maîtresse, donne-lui le bonjour, et si elle te demande comment je vais, réponds : Sur mes deux jambes. »

Cependant il arrive parfois à ces joyeuses boutades d’avoir en elles une certaine rondeur humoristique, une verve de bon aloi qui vous