Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
REVUE DES DEUX MONDES.

plateaux de l’Amhara. Les autres se composent de constructions circulaires, avec un toit conique surmonté d’une croix, le tout bâti dans le même style que les autres habitations. Une vaste salle avec un petit autel au fond recouvert d’une nappe d’étoffe de soie, tel est l’intérieur d’une église. Quelques-unes de ces églises sont crépies de plâtre blanc ou badigeonnées de peintures grossières. On n’y voit de siéges d’aucune espèce ; le sol est en terre battue.

Peu de temps après l’expédition vers les bords du Nil, M. Rochet fut invité à se rendre, avec le roi, à Ankobar, qui a été long-temps la capitale du Choa. Cette ville, comme son nom l’indique[1], formait jadis l’extrême limite du royaume du côté de l’est : à la suite d’une extension de territoire, elle est devenue presque centrale. Son site est des plus heureux : bâtie en amphithéâtre sur une montagne boisée, elle présente, avec ses toits coniques, l’aspect d’une agglomération de ruches encadrées dans un fond de verdure. Les maisons du roi dominent cet ensemble ; on découvre de là un pays mollement ondulé, coupé de bouquets d’ifs vigoureux qui ont le port de nos sapins d’Europe. Notre voyageur s’établit dans l’un de ces belvédères contigu au palais même du souverain.

Cependant Sahlé-Salassi songeait à tirer parti de la présence du visiteur européen. Parmi les cadeaux qu’il avait reçus se trouvait un moulin à poudre, et il était impatient de voir fonctionner cette machine. M. Rochet alla au-devant de ses désirs : avec le secours de quelques charpentiers du pays, il fit construire un hangar propre à cette manutention, se procura facilement du nitre, qui abonde sur divers points, et du soufre d’une qualité excellente, puis il se mit à l’œuvre. Au bout de quelques jours, il obtint de la poudre fine, ce qui jeta le roi dans une joie inexprimable. Jusqu’alors les artificiers arabes n’avaient pu, faute de connaître les moyens de purification, fabriquer que de la grosse poudre ; le procédé de M. Rochet était donc pour eux une véritable découverte. Une seconde surprise fut la fabrication du sucre en pain. Roi d’une contrée où la canne atteint les plus beaux développemens, Sahlé-Salassi se voyait obligé de tirer de Moka sa petite provision de sucre raffiné. Notre voyageur voulut l’affranchir de cette servitude. Il fit fabriquer par les potiers d’Ankobar vingt formes en terre. On coupa les cannes, on les écorça, on

  1. Anko, bois ; bar, péage. C’est à Ankobar qu’on percevait les droits de péage. Presque toutes les géographies écrivent Ankober au lieu d’Ankobar. C’est une erreur à rectifier.