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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

qu’un seul témoignage à l’appui de ce que nous avançons : les poésies de Goethe, jardin où s’épanouissent en fleur et sur une tige solide tous les germes, toutes les étamines poétiques disséminées dans l’air par le Minnegesang.

Mais la véritable patronne du lied, le principe éternel de grace et d’amour où la fantaisie populaire va puiser incessamment, c’est la mère du Christ, Marie, la vierge féconde, l’impératrice, comme l’appelle en son paroxisme fervent l’extatique docteur Marianus. On connaît l’action universellement sympathique attribuée à la reine des anges au moyen-âge, et sans revenir sur ce divin symbole de l’attraction et de la mansuétude féminine, nous nous bornerons à citer quelques traits qui s’y rattachent. Nulle part ces attributs dont nous parlons ne se manifestent avec plus de charme que dans un lied intitulé : l’Assistance de la Vierge à Passau. La Vierge, en tant que femme, se montre encore plus accessible que son divin fils lui-même, et représente, sans aucune arrière-pensée, sans aucune espèce de restriction ultérieure, l’idée de grace et d’amour. Ainsi vous la voyez, dans un lied, intercéder elle-même en faveur de deux misérables qui avaient tenté de lui ravir son propre enfant ; dans un autre, elle sauve d’une mort certaine la comtesse Elsbeth, surprise par deux assassin pendant qu’elle prie à l’autel. Ailleurs, c’est une noble dame que son époux veut aller vendre au diable, et que Marie délivre en l’enfermant dans son oratoire, tandis qu’elle monte à cheval à sa place auprès de son époux, dupe jusqu’au dénouement de la métamorphose. Puisque nous en sommes sur le chapitre de ces petites pièces lyriques dont la Vierge fait en même temps le sujet et l’objet, citons le lied de la Racine de Jessé, panégyrique ingénieux, charmant de poésie et de concision :

« La racine est la race de David ; toi, Marie, tu es la tige ; ton fils, la fleur, la belle rose ; le Dieu et l’homme résident en ton sein.

« La rose est pourprée, la feuille verte, une même tige les a toutes deux : ainsi on trouve deux natures et une seule personne en cet enfant. »

Dans l’imagination populaire, la superstition se mêle toujours au dogme, en Allemagne surtout, où l’antique religion de la nature est loin d’avoir déposé toute autorité primitive. De là une poésie bizarre, hétérogène, où les élémens les plus contraires se heurtent et se confondent ; poésie de mystères et d’incantations, qui s’élabore un peu comme certains philtres cabalistiques des montagnes du Harz, en commun, car tous y prennent part, depuis l’homme d’église avec sa