Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/797

Cette page a été validée par deux contributeurs.
793
REVUE DES ARTS.

comme il n’y a malheureusement pas à revenir là-dessus, laissons la chambre des députés telle qu’elle est, et parlons du fronton de M. Cortot.

La forme triangulaire, forme fatale et nécessaire du fronton grec, est assurément une des plus défavorables au statuaire. — L’extrême abaissement des lignes vers les angles ne lui permet, aux deux extrémités que des figures assises, agenouillées ou couchées dans les positions les plus strapassées du monde. Cet inconvénient était moindre pour les sculpteurs grecs, dont le système de composition était plus simple que le nôtre, qui ignoraient ou pratiquaient peu l’art des plans, et n’avaient à représenter que des figures consacrées d’un type certain, et d’une attitude presque hiératique. — L’ordonnance de ces frontons est donc forcément la même. Au milieu, dans tout le développement que permet l’élévation de l’angle, la figure principale, le génie symbolique de l’édifice ; de chaque côté, les groupes supplians ou protégés ; aux deux bouts, les figures de remplissage et les accessoires. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’échapper à cet arrangement inévitable, et les efforts que l’on ferait pour en sortir n’aboutiraient peut-être qu’à des combinaisons forcées ou ridicules ; le mieux est donc, sans chercher plus qu’il ne faut une composition originale, de soigner l’agencement des figures, le jet des draperies et les détails de l’exécution, d’où dépend après tout le mérite d’une œuvre d’art.

M. Cortot est assurément un homme de mérite et de savoir ; sans briller au premier rang, il tient une place honorable. Il n’a pas de grands défauts, mais il manque de grandes qualités. Son ordonnance est sage, mais n’a rien qui saisisse. Son anatomie est correcte, son dessin juste, mais sans grandeur de style ; cependant ses draperies sont ajustées avec beaucoup de soin, d’entente et de goût ; son ciseau a de la franchise et de la netteté. On voit que M. Cortot a étudié l’antique, connaît la tradition et les modèles ; son fronton est une œuvre consciencieuse, convenable, et de plus en harmonie peut-être avec le monument qu’il décore que ne le serait une sculpture plus hardie et plus actuelle. Personne ne sera choqué, mais personne non plus n’admirera.

Voici la manière dont M. Cortot a disposé sa composition : au centre est assise sur un trône la figure colossale de la France, personnifiée sous les traits d’une femme au profil de Minerve, aux yeux fiers et sereins ; elle supporte de la main gauche des tables de pierre où sont gravés les mots : Charte de 1830. Le trône est gardé par