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SITUATION ACTUELLE DE LA FRANCE.

côtes, prendre leurs villes et battre les Égyptiens, sans que les Français, amis déclarés du pacha d’Égypte, fissent un instant mine de s’y opposer. Est-ce à Alexandrie ? Le pacha, que la France a retenu dans sa victoire sans l’aider dans sa défaite, sait à quoi s’en tenir sur une si trompeuse alliance, et cherche ailleurs des protecteurs plus utiles et plus sûrs. Est-ce enfin en Crète, en Thessalie, en Macédoine, dans toutes les parties de l’empire qu’agite en ce moment l’amour de la liberté ? Les chrétiens de ces contrées ont devant les yeux l’exemple du pacha et le souvenir des derniers évènemens. En Orient, d’ailleurs, on ne saurait trop le redire, chrétiens et musulmans croient surtout à la force et adorent le succès. Or il y a long-temps que la force et le succès n’ont été du côté de la France.

Que le journal de Smyrne et la Gazette d’Augsbourg viennent donc, tant qu’il leur plaira, nous parler de l’influence que notre ambassadeur reprend à Constantinople depuis quelques mois. Il n’est pas en France un seul homme de sens qui ne sente que c’est là une ironie sanglante ou une ridicule politesse. Je crois à l’habileté de notre ambassadeur, mais je crois encore plus à la force des choses. L’an dernier, notre ambassadeur luttait seul contre le divan et contre les quatre puissances. Cette année, il souscrit à tout ce que veulent les quatre puissances et le divan. Il est assez naturel qu’il soit mieux vu cette année que l’an dernier, et qu’on le traite avec plus de bienveillance. Quel avantage en résulte-t-il pour la France ? Qu’y a-t-il là dont elle doive se réjouir et se glorifier ?

Quant à nos héritiers en Orient, il est aisé de les découvrir, et c’est assez ouvertement qu’ils recueillent la succession. Il y a moins d’un an, Méhémet-Ali était à Londres un sauvage odieux, un exécrable tyran, un monstre impitoyable, le fléau de l’humanité et de la civilisation. Aujourd’hui, c’est un prince civilisateur, un peu dur peut-être dans les procédés qu’il emploie, mais animé des meilleures intentions et doué des plus nobles qualités. Il y a moins d’un an, le but principal de la guerre était de délivrer d’un joug intolérable les malheureuses populations de la Syrie, de l’Arabie, peut-être même de l’Égypte. Aujourd’hui on parle de rendre l’Arabie à Méhémet, on déclare que la Syrie est plus à plaindre qu’avant sa chute, et, pour l’aider à opprimer l’Égypte, on lui offre une main amie. C’est d’ailleurs le commodore Napier qui parcourt l’Angleterre, vantant partout le pacha, le plus habile, le plus loyal, le plus généreux, le plus grand des princes et des hommes. Ce sont les principales villes com-