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de la Péninsule, c’est, en ce moment, l’Angleterre qui règne et qui dicte des lois. D’un bout à l’autre de la Péninsule, la France semble n’aspirer qu’à un seul rôle, celui de se croiser les bras et de se faire oublier.

En Belgique, heureusement, notre situation est moins mauvaise. Deux fois, depuis 1830, la France a sauvé l’indépendance de ce pays, et ce souvenir n’est point encore effacé tout-à-fait. Cependant, si la France ne se hâte, il y a péril là comme ailleurs. La Belgique industrielle, tout le monde le reconnaît, ne peut se suffire à elle-même. Il faut, pour prospérer et pour vivre, qu’elle se rattache à l’Allemagne ou à la France. Or, la Belgique penche vers la France plutôt que vers l’Allemagne, et, à plusieurs reprises, des négociations à ce sujet ont été entamées entre les deux gouvernemens. Depuis deux mois, dit-on, ces négociations ont été reprises, et, il y a peu de jours, on faisait espérer qu’elles pourraient aboutir promptement à une heureuse conclusion. Qu’est-il arrivé alors ? Qu’en Angleterre et en Allemagne on s’est élevé, tout d’une voix, contre ce qu’on veut bien appeler notre esprit de conquête et d’envahissement. Ce sont, d’un côté, les journaux anglais qui déclarent très nettement que l’association projetée ne peut pas se réaliser, vu qu’elle est contraire aux intérêts commerciaux et politiques de l’Angleterre. Ce sont, de l’autre, les gazettes privilégiées de l’Allemagne, la Gazette d’Augsbourg notamment, qui en appellent à l’Europe coalisée, et menacent la France de l’intervention des quatre puissances, si elle persiste dans un dessein frauduleusement attentatoire à l’équilibre européen. Ce sont enfin, si l’on en croit le bruit public, des notes diplomatiques qui, bien qu’en termes plus convenables, expriment la même pensée, et interdisent aux deux états le rapprochement auquel les portent leurs sympathies et leurs intérêts. Voilà donc, le lendemain de la convention du 13 juillet, la France poursuivie en Belgique, aussi bien qu’en Orient, dans ses intérêts et dans son influence La voilà, cette fois encore, menacée d’une coalition, si elle ne se laisse exclure de Bruxelles comme d’Alexandrie !

Pour tout ministère ayant un peu de sang dans les veines, cette incroyable opposition de l’Angleterre et de l’Allemagne devrait être un argument décisif en faveur du projet de réunion, et une raison d’y travailler plus que jamais, avec ardeur et persistance. Pour le ministère du 29 octobre, après ses faiblesses dans l’affaire d’Orient, c’est de plus une admirable occasion de se relever aux yeux du pays, et de montrer à l’Europe qu’elle ne peut pas tout obtenir de lui par