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nauté des sentimens et des idées. En soutenant la jeune reine contre don Carlos, la révolution de juillet faisait donc précisément, et dans un meilleur sens, ce que le gouvernement contre-révolutionnaire de 1823 avait fait en abattant la constitution.

Maintenant, qu’est-il arrivé dans ce pays ? Le voici en deux mots. Il y avait une régente française par le cœur et par l’esprit, la seule de sa race qui portât au gouvernement nouveau et à la dynastie nouvelle en France une sincère affection. Cette régente est aujourd’hui à Paris, privée à la fois de son pouvoir et de la tutelle de ses enfans. Il y avait un parti modéré, le plus nombreux et le plus éclairé sans contredit, qui ne demandait qu’à s’appuyer sur la France, et qui, toutes les fois qu’il a été au pouvoir, sous M. Martinez de la Rosa comme sous M. d’Ofalia, sous M. Isturitz comme sous M. Perez de Castro, n’a cessé de lui donner une préférence évidente. Ce parti est abattu, dispersé, anéanti. Le parti exalté, en revanche, de tous temps hostile à la France, règne en maître et s’efforce de rompre les faibles liens qui unissent encore les deux pays. Quant au pouvoir, il se partage entre Espartero, à qui le cabinet whig a envoyé, l’an dernier, de si belles récompenses pour prix de ses loyaux services, et Arguelles, plus dévoué encore aux Anglais qu’Espartero. Tels sont les résultats ; ils sont frappans et parlent d’eux-mêmes. Quant à la cause du mal, elle est incontestablement dans notre politique. Je ne sais pas si, dans un pays comme l’Espagne, au milieu de partis ardens et actifs, la France pouvait, ainsi que l’auraient voulu quelques personnes, garder entre eux une stricte neutralité. Ce que je sais, c’est que, du moment qu’elle préférait un parti et s’y attachait, il fallait le soutenir avec fermeté, avec énergie, avec persévérance. Qu’a fait la France au lieu de cela ? des vœux, de simples vœux pour le parti modéré. Et pendant ce temps une puissance plus hardie et moins scrupuleuse excitait les passions anarchiques, favorisait l’émeute, circonvenait les généraux, soudoyait l’insurrection. Est-il surprenant que nous ayons succombé dans cette lutte, et que, traités en ennemis par les exaltés, regardés par les modérés comme des alliés inutiles, il ne nous reste plus en Espagne, malgré nos sacrifices, ni pouvoir ni crédit ?

Dans l’état actuel des choses, un espoir, un seul nous est laissé : c’est qu’à force de prétentions arrogantes et cupides, les Anglais partagent bientôt notre impopularité. On sait que, sur toutes les côtes, sur les côtes voisines de Gibraltar particulièrement, la contrebande se fait sous la protection du canon britannique, et qu’il en résulte