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la paix armée perdraient bientôt une portion de leur crédit. Il savait que les embarras financiers et la suspension des travaux civils d’une part, de l’autre les inquiétudes et les menaces de l’Europe, pourraient ramener au concert européen beaucoup de déserteurs.

Voilà, ce me semble, la première cause de la détermination du cabinet. Il y en a une seconde. En diplomatie, comme partout, les petites difficultés qu’on rencontre, et contre lesquelles on lutte, font quelquefois oublier le but même vers lequel on tend, et détournent l’esprit du principal sur l’accessoire. Or, quand dans le courant de la négociation le cabinet voyait la Russie hostile, l’Angleterre froide, l’Autriche et la Prusse amicales et pressantes ; quand il savait que la convention imaginée par ces deux dernières puissances était presque repoussée par la première et peu désirée de la seconde, n’est-il pas naturel que petit à petit il se soit laissé entraîner à croire que cette convention était avantageuse, et qu’en la signant la France avait le haut du pavé ? N’est-il pas possible même qu’il ait pris au sérieux la bienveillance calculée de l’Autriche et de la Prusse et cru vraiment qu’elle survivrait aux circonstances ? Pour moi, j’ai des raisons de penser qu’avant la séance du 13 avril l’illusion était complète, et qu’on se flattait d’avoir remporté un avantage signalé. Ce jour-là, en présence de la discussion et de l’attitude de la chambre, l’illusion s’est dissipée ; mais il était trop tard.

En résumé, au début de la session, la chambre et le ministère avaient promis de faire respecter dans son esprit et dans sa lettre la note du 8 octobre, minimum de la politique française en Orient. La note du 8 octobre n’a été respectée ni dans sa lettre, ni dans son esprit. À la même époque, la chambre et le ministère s’étaient engagés à maintenir la politique de l’isolement, au moins jusqu’à ce qu’une concession notable de l’Europe permît d’en sortir avec honneur et avantage pour le pays. Aucune concession, notable ou non, n’a été faite, et la politique de l’isolement n’existe plus aujourd’hui. La France a donc accepté le traité du 15 juillet et repris dans les conseils de l’Europe je ne dis pas son ancienne place, mais la place que lui font les derniers évènemens. Voilà ce qui s’est accompli en moins de six mois, sous le ministère du 29 octobre, en présence d’une majorité venue il y a deux ans pour relever la dignité nationale, et rendre à la France le rang qui lui appartient parmi les nations.

Je veux maintenant envisager la question d’une manière plus générale, et rechercher quelle est, en août 1841, la situation de la