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à se jeter dans nos bras. Est-il besoin de répondre que, pour l’Autriche et pour la Prusse, la question révolutionnaire est une question d’institutions et de dynastie, non de ministère ? Ce qui, aux yeux de l’Europe, constitue la France à l’état révolutionnaire, c’est 1789 et 1830. Tant qu’elle refusera d’effacer, quant aux choses et quant aux hommes, les dernières traces de l’un et de l’autre, la tache originelle, quelque désir qu’on en ait, ne disparaîtra pas.

Il suit de là que nécessairement, par la force des choses, l’Autriche et la Prusse voient et verront long-temps encore avec plaisir tout ce qui peut affaiblir et rapetisser la France. Quelquefois, surtout quand elles seront inquiètes, elles pourront, comme en 1836 pour nous séparer de l’Angleterre, comme en 1840 et 1841 pour obtenir de nous le désarmement, nous faire des avances, des caresses, même certaines promesses ; tout cela durera jusqu’à ce que nous ayons cédé ; puis, le lendemain, elles se retourneront aussitôt et se joindront à nos ennemis. Pendant la discussion des fortifications, deux hommes d’état qui ont été ministres des affaires étrangères et qui connaissent bien l’Europe, M. de Broglie et M. Thiers, s’en sont expliqués assez clairement tous les deux, l’un à la chambre des pairs, l’autre à la chambre des députés. Entre les trois puissances qui composaient la sainte-alliance, il y a, pour bien long-temps encore, association contre les idées de 1830, et coalition contre la puissance qui représente ces idées. Croire le contraire et se conduire en conséquence, c’est s’exposer à jouer toujours le rôle de dupe, et à compromettre encore une fois l’honneur et les intérêts du pays.

Il faut parler nettement. L’abolition du protectorat exclusif de la Russie sur l’empire ottoman, l’alliance avec l’Autriche et la Prusse contre l’Angleterre et la Russie, la substitution, grace à cette alliance, d’une politique d’égalité à un politique de prépondérance, ce sont là de vains mots auxquels n’ajoutent pas foi la plupart de ceux qui les prononcent. La vérité, c’est que la convention du 13 juillet est le moyen, non le but ; c’est qu’on n’est pas sorti de l’isolement pour signer la clôture des détroits, mais qu’on a signé la clôture des détroits, comme on aurait signé toute autre chose, pour sortir de l’isolement ; c’est, en un mot, qu’on a voulu placer dans un acte public quelconque le nom de la France à côté de celui des quatre puissances, et rompre ainsi, purement et simplement, l’engagement pris envers le pays et la chambre au commencement de la session. Pour qui n’est pas aveugle ou ne ferme pas les yeux, cela est clair, manifeste, évident.