Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/684

Cette page a été validée par deux contributeurs.
680
REVUE DES DEUX MONDES.

tions telles que, dans l’intérêt de la France, il ait paru nécessaire de sacrifier Méhémet. Ce serait une conduite peu généreuse, mais qu’on pourrait donner pour habile. Cherchons donc si dans l’acte même qui porte notre signature nous trouverons ces compensations.

Il est impossible d’abord de ne pas rappeler un fait. Tout le monde se souvient du débat si vif, si pressant, qui, lors de la discussion des crédits supplémentaires de 1841, mit en présence le chef du dernier cabinet et M. le ministre des affaires étrangères. Le 13 avril 1841, M. Thiers annonça formellement à la chambre que la France venait de s’engager à rentrer dans le concert européen, et que, pour achever de s’accomplir, ce grand évènement n’attendait plus qu’une insignifiante modification au hatti-shériff du 18 février, celle précisément que nous avons vue depuis. Il annonça de plus que la convention paraphée, sinon signée par la France, consistait, quant à présent, dans une stipulation unique, l’interdiction du passage des détroits aux vaisseaux de guerre de toutes les puissances. Puis, avec une rare vigueur, il développa tous les motifs qui, selon lui, devaient faire considérer cette politique nouvelle comme funeste aux intérêts de la France et à sa considération. À cette attaque puissante, que répondit le cabinet ? « Que la convention n’était pas telle que le supposait M. Thiers ; que ses assertions fourmillaient d’inexactitudes ; qu’il serait prouvé, plus tard, que le chef du dernier cabinet était mal informé des faits, et qu’il les avait crus légèrement. » M. Thiers insista ; mais, sur la foi du cabinet, la chambre reprit confiance, et M. Thiers, aux yeux de certains députés, passa presque pour un calomniateur.

Cependant le temps a marché, la session a fini, les députés se sont dispersés, et voici que les assertions de M. Thiers se trouvent jutes de tout point. M. Thiers annonçait « qu’il y avait consentement donné au statu quo oriental, sous une seule condition consentie d’avance (celle de l’hérédité), condition qui n’avait ni pour but ni pour effet de relever la puissance du pacha d’Égypte. » Tel est le hatti-shériff du 1er juin. M. Thiers ajoutait que « la convention paraphée par M. de Bourqueney ne s’occupait sérieusement ni de l’intégrité de l’empire ottoman, ni de la Syrie, ni de l’isthme de Suez, mais qu’elle stipulait la durée d’un principe immémorial, celui de la clôture des détroits. » La convention du 13 juillet se borne à stipuler, conformément au vieux droit public, la clôture des détroits. M. Thiers disait donc vrai de tout point, au fond et dans la forme, pour l’ensemble aussi bien que pour les détails. Et pourtant, je le répète, le