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c’est que, dans le mémorandum du 15 janvier, la conférence a traité l’affaire d’Égypte comme si la note du 8 octobre n’existait pas, et d’après un principe en contradiction directe avec elle ; ce que je sais enfin, c’est qu’au mois de mars encore les organes ministériels, pour répondre aux tories qui reprochaient à lord Palmerston « d’avoir inutilement donné cet embarras à un cabinet ami », déclaraient très nettement que l’objet de la note du 2 novembre était de réfuter aux yeux du monde la prétention injuste et arrogante soulevée par M. Thiers. Voilà donc la note du 8 octobre, cette note, disait-on, si timide et si faible, repoussée par les cabinets étrangers comme un acte exorbitant et téméraire. Voilà cette note dépouillée de son caractère véritable, et réduite à la proportion mesquine d’une supplique adressée aux quatre puissances en faveur de Méhémet-Ali.

Cette conduite des quatre puissances, et notamment du cabinet anglais, s’explique parfaitement. On ne voulait point pousser les choses jusqu’au bout, et déposséder entièrement Méhémet ; mais, tout en lui laissant l’Égypte, on voulait prouver à Constantinople, en Syrie, à Alexandrie surtout, que la France n’y était pour rien. On voulait nous enlever ainsi le reste de reconnaissance ou d’influence auquel nous eussions pu prétendre. Loin de voir dans la note du 2 novembre une pure et vaine bravade, j’y vois donc un acte parfaitement réfléchi, très conséquent, et presque nécessaire dans la vraie pensée du traité. Or, je le demande, accepter au nom de la France une semblable situation, est-ce faire respecter la note du 8 octobre, telle que l’avaient comprise le 1er  mars et la chambre ? « Ce qui nous importe le plus, disait avec beaucoup de raison M. de Tocqueville dans la discussion de l’adresse, ce n’est pas que Méhémet-Ali subsiste, c’est qu’à nos propres yeux, aux yeux de l’Europe et du monde, ce soit nous qui le couvrions. Le pouvoir organisé que Méhémet possède, s’il passe sous le contrôle direct de l’Angleterre, n’est qu’une arme de plus contre la France. »

Qu’on ne s’y trompe donc pas ; avant le hatti-shériff, la note du 2 novembre avait virtuellement déchiré la note du 8 octobre, et privé la France de tous les avantages qu’elle pouvait en espérer. Examinons maintenant si les puissances ont bien voulu du moins accorder à notre prière ce que la note du 8 octobre réclamait au nom de notre puissance.

Deux hatti-shériffs ont, on le sait, réglé la situation de Méhémet-Ali, l’un du 18 février, l’autre du 1er  juin ; c’est du second seulement qu’il faut parler, puisque seul il fait loi. Voici les articles principaux