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REVUE. — CHRONIQUE.

grande prospérité dans un avenir assez prochain. L’Espagnol n’est point aussi incapable en effet de devenir bon manufacturier que veulent bien le dire les Anglais. Rien n’est plus remarquable dans l’histoire de l’industrie que ce qui a été fait dans la Sierra de Gador. Privés de presque tous les moyens qui sont au pouvoir des industriels anglais, les habitans sont parvenus à y exploiter le plomb avec tant de succès, qu’ils ont chassé l’Angleterre du marché espagnol, et qu’ils fournissent encore de plomb les deux tiers du marché français : facta loquuntur. Les mines de mercure exigent certes un travail pénible et rebutant ; c’est pourtant l’Andaloux qui le supporte. Les manufactures de coton de la Catalogne ont élevé cette principauté à un haut degré de prospérité ; Les draps de l’Estramadure sont une des richesses de l’Espagne. Le bassin houillier d’Oviédo est évidemment destiné à jouer un grand rôle dans les relations avec la France. Les houilles de ce bassin doivent remplacer les houilles anglaises à Bayonne, à Bordeaux, à Nantes même ; et le gouvernement espagnol voudrait les sacrifier à l’Angleterre ! Les pays basques produisent des quantités considérables de fer, et on doit reconnaître qu’aucune population n’est plus industrieuse, plus patiente, que toute celle qui s’étend depuis Irun jusqu’à Vigo ? Le régent oserait-il, par un traité avec ses amis los rabios, anéantir les cotonnades, les houilles, les fers, les soieries espagnoles ? Serait-il assez faible, assez ignorant des intérêts de son pays, pour s’allier avec les Anglais ? C’est avec le continent qu’il faut que l’Espagne fasse une alliance commerciale ; nous ne disons pas avec la France seulement, mais avec toutes les puissances du continent. Dans leurs bras, elle trouvera la vie et la richesse ; dans les bras de l’Angleterre, la pauvreté, l’humiliation et la mort.


— La création de deux nouvelles chaires au Collége de France, et le choix des deux professeurs appelés à les remplir, ont valu à M. le ministre de l’instruction publique de justes et unanimes témoignages d’approbation. Fondé à une époque de renaissance et de conquête intellectuelle, le Collége de France est expressément destiné au libre et haut enseignement dans ses limites les plus étendues : il ne peut négliger long-temps aucune acquisition nouvelle et féconde. Les littératures étrangères, telles que le définit la fondation récente, y faisaient lacune. Il est heureux, en même temps qu’on instituait les chaires, d’avoir mis la main sur deux hommes aussi désignés par leurs antécédens à les remplir. M. Edgar Quinet, par l’éloquence de son enseignement à Lyon, a montré que la poésie et l’imagination n’excluent rien et savent vivifier plus d’un emploi. Nourri dès long-temps aux études et aux sources germaniques, il n’est pas mal de l’avoir dirigé cette fois vers les littératures du midi ; les croisemens d’idées sont bons aux esprits comme aux races, on y acquiert et on y développe toute sa force. M. Quinet a vu de bonne heure la Grèce, il