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s’était fait. Le prince détrôné essaya de rentrer dans ses états en promettant au peuple les institutions les plus démocratiques, mais personne ne donna dans ce piége grossier, et il abandonna l’Allemagne pour traîner à Paris ou à Londres une existence obscure et sans dignité.

La révolution de Hesse avait aussi été préparée par une série d’actes extravagans et tyranniques. Le landgrave de Hesse-Cassel, devenu électeur en 1803, avait été dépossédé par Napoléon pour avoir gardé la neutralité pendant la guerre de 1806, et ses états avaient été incorporés au royaume de Westphalie. Restauré en 1813, à la grande joie des Hessois qui étaient restés très dévoués à leur vieille dynastie, il voulut tout remettre exactement dans l’état où il l’avait laissé[1]. Les promotions faites sous Jérôme Bonaparte furent déclarées nulles ; les conseillers redevinrent commis, et les capitaines sous-lieutenans ; l’armée reprit la poudre et les grandes queues ; les corvées abolies furent rétablies ; en un mot, les sept années pendant lesquelles le prince avait été absent furent considérées comme non avenues. À cette manie rétrograde l’électeur joignait une insatiable avidité. Il reprit les biens de l’état aliénés sous le précédent gouvernement, en refusant aux acquéreurs toute espèce d’indemnité, fit acquitter par le pays les énormes dettes de son fils, réduisit à un taux minime les traitemens de tous les fonctionnaires, et offrit aux états une nouvelle constitution à prix d’argent. Les états, ayant repoussé ce honteux marché, ne furent plus convoqués, et le pays resta livré à l’arbitraire le plus complet. Tous ces procédés excitèrent, comme on peut le croire, un mécontentement général ; mais une censure rigoureuse et une police sévère l’empêchaient de s’exprimer, et quiconque se plaignait était mis en prison.

Le vieil électeur étant mort en 1820 fut remplacé par son fils Guillaume II, qui supprima la poudre et les queues des soldats, mais, qui, à cela près, conserva soigneusement les traditions paternelles. Les états ne furent pas convoqués, la censure ne se relâcha en rien de sa rigueur, et la police continua à exercer la patience des Hessois par mille vexations quotidiennes. Le nouvel électeur vivait depuis long-temps avec une maîtresse de bas étage qu’il avait faite comtesse de Reichenbach et qui le gouvernait entièrement, pendant que sa

  1. Cependant, malgré sa haine pour Napoléon, il conserva le titre d’électeur, qu’il possédait par la grace du conquérant, et qui n’avait plus de sens depuis qu’il n’y avait plus d’empereur à élire.