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les ont perdus, cette espèce d’attrait que l’homme éprouve à raconter ses malheurs. Il est, d’ailleurs, dans la nature humaine de trouver je ne sais quelle consolation, je ne sais quel soulagement, à faire des aveux dont on n’a rien à craindre. Il semble que l’ame oppressée du poids de ses remords le rejette, et s’en délivre en faisant l’aveu de ses fautes, et c’est ainsi que la confession m’a toujours paru d’institution de nature, quoique bien dangereuse comme institution divine ou politique.

« Mais, mon ami, voici le troisième bavardage volumineux que vous recevez de moi ; il est temps, avant de continuer, de savoir si cela vous déplaît ou vous dérange. À votre réponse donc. »


N’admirez-vous pas cette chaleur, cet entraînement, cet enthousiasme, ce rêve si puissamment transformé en réalité ? Toutes les lettres de Dumont et de Mirabeau, contenues dans ces mémoires posthumes, mériteraient d’être imprimées à part, et éclairent singulièrement plusieurs évènemens de la révolution française. Celles de Dumont et de Mme Gautier Delessert sont bien préférables, pour la simplicité, la netteté, la force vraie, à celles de Mirabeau. Le grand acteur ne disait et n’écrivait jamais rien que pour sa cause et pour le moment ; il allait à l’effet, et peu lui importait que sa décoration de théâtre fût badigeonnée d’ocre ou salie de fange, pourvu qu’elle trompât le coup d’œil. Quant aux lettres de Dumont, il serait à désirer qu’un de ses compatriotes les réunît et les publiât. Elles honoreraient Genève. C’est l’esprit le plus clair, l’ame la plus simple, le dénuement de vanité le plus noble, et un style ferme qui découle naturellement de tout cela.

Je ne citerai qu’une seule de ces excellentes lettres ; elle révèle la douleur dont les honnêtes ames furent agitées en reconnaissant l’erreur de leur espoir :


« Je vous réponds tout de suite, mon cher Romilly, pour vous prier d’écarter, autant qu’il vous sera possible, tous les obstacles, et de venir à Bowood au temps marqué ou plus tôt.

« Vous deviez être à dîner chez Bentham quand on a appris à M. de Liancourt la mort horrible de M. de La Rochefoucauld. Nous avons cherché à croire que c’était le cardinal, et non pas le duc, quoique ses bêtes féroces n’aient pas plus de droit à tuer l’un que l’autre : cependant les vertus, les services, le patriotisme du dernier, aggraveraient bien l’horreur de ce massacre.