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LES GAULOIS EN ASIE.

L’agriculture prodigue des trésors qui, en d’autres mains, seraient incalculables, la soie, le coton, le riz, l’huile, des troupeaux nombreux. Ah ! que nos vieux Gaulois avaient admirablement choisi la contrée où ils ont été s’établir ! Des plaines étendues, de belles eaux, et une mine inépuisable de sel, ne sont-ce pas des élémens suffisans pour porter l’agriculture d’un pays au plus haut degré de prospérité ?

Le monopole, qui depuis quelques années s’étend comme un fléau sur toutes les branches de l’agriculture, menace de ruiner complètement le commerce d’Angora. Depuis que la culture du pavot à opium a été mise en régie, la production de cette denrée a décru d’une manière extraordinaire. Les nazirs chargés de la vente des farines sont souvent accusés de faire naître des hausses factices ; toutefois, ce qui pèse surtout aux chrétiens, c’est un abus si facile à établir, que presque tous les pachas et les gouverneurs s’en rendent coupables sans que la surveillance du gouvernement central puisse y mettre un terme. Le karatch, ou la capitation des rayas, est fixé au moyen de tables qui sont dressées tous les dix ans, d’après un recensement fait par les ordres de la Porte ; mais ces tables ne sont jamais exactes, et la population raya est toujours présentée comme plus nombreuse qu’elle n’est réellement. Il s’ensuit que les rayas paient généralement une capitation beaucoup plus forte que celle à laquelle ils sont assujettis par la loi.

Il y a quelques années, le gouvernement de la Porte avait voulu modifier l’administration supérieure de l’Asie mineure, pour effacer la dernière trace de cette puissance des déré-bey, dont le sultan Mahmoud a poursuivi l’anéantissement pendant trente ans de sa vie ; le nombre et la circonscription des sandjack étaient complètement changés ; on formait des mouchirats, divisions de territoire, ayant à leur tête un mouchir dont le pouvoir était plus militaire que civil. Mais les intrigues des pachas ont fait échouer ce projet, au moyen duquel il était trop facile de voir clair dans l’administration financière. Des nazirs auraient été placés sous les ordres des mouchirs, et, assités d’un conseil des anciens, auraient présidé à la perception des impôts. Cette réforme radicale ne pourra jamais avoir lieu tant que les grandes charges seront vénales. Un pacha, pour acheter sa charge, est presque toujours obligé d’avoir recours à la bourse des sarafs, banquiers arméniens, qui commencent par prélever un bénéfice net sur la somme dont le pacha se reconnaît débiteur ; ils reçoivent en outre un intérêt de douze ou quinze pour cent. Tout ceci ne peut être payé que par le moyen des exactions. Il faut ajouter que le gouvernement de la