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LES GAULOIS EN ASIE.

dant tout le reste de l’année, on en distribue aux troupeaux autant qu’ils peuvent en manger.

Jamais l’industrie du pays n’a songé à établir une manufacture en grand pour tisser les chaly d’Angora. La filature du poil de chèvre se fait à la quenouille, et toutes les femmes, depuis les belles kadines qui vivent constamment à l’ombre du harem, jusqu’aux bergères dont la vie rustique est inséparable de leurs troupeaux, toutes les femmes filent le chaly, dans les maisons, dans les rues, pendant les visites. Malgré la lenteur de la filature au fuseau, comme le travail ne cesse jamais pendant la journée, les résultats ne laissent pas d’être notables.

Entourée de ruisseaux qui fourniraient les plus belles chutes d’eau, la ville d’Angora serait dans la meilleure position pour établir des fabriques ; on pourrait faire de ce pays le centre du commerce des lainages de toutes les contrées voisines. C’est toujours en effet par ce genre de produits que l’Asie mineure a été célèbre. Les anciens vantaient les tissus de laine et les tentures de Hierapolis et de Laodicée ; la fabrication des tapis est toujours assez prospère, même avec ses moyens bornés. La laine des brebis donne des produits qu’on utiliserait de cent manières ; nulle autre contrée n’est aussi riche en troupeaux et en pâturages. Si l’Asie a pu suffire à tant d’exactions, payer tant de tributs et subsister encore après le pillage incessant des préteurs romains, des gouverneurs byzantins et des agas turcs, c’est qu’elle demandait à l’agriculture tout ce qu’elle pouvait donner, et ce fonds ne lui manque pas encore aujourd’hui, quoique la spoliation n’ait pas discontinué, et que les pachas soient les fidèles imitateurs des proconsuls.

Il y a environ un siècle, la fabrication fournissait non-seulement à la consommation intérieure, mais à l’exportation en Occident et en Perse. Des caravanes partant à époques fixes se rendaient par l’Arménie dans l’Aderbidjan et allaient jusqu’à Samarcand. D’autres caravanes allaient de Kutayah à Brousse, à Smyrne et à Constantinople. La compagnie française du Levant avait un comptoir à Angora ; plusieurs maisons hollandaises et anglaises avaient également des correspondances dans cette ville. Néanmoins, l’exportation du poil de chèvre brut était complètement défendue. Le chaly filé était frappé d’un droit très fort, le chaly ouvré s’exportait moyennant des droits assez raisonnables. On payait quatre piastres par charge de chameau. Maintenant il n’y a pas une seule maison européenne à Angora ; les poils de chèvre sortent pour être manufacturés en Europe, et le chaly