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de faire des alliances sans le consentement de Nicomède, mais ils devaient rester les amis de ses amis et les ennemis de ses ennemis. Ils devaient donner des secours aux Byzantins toutes les fois qu’ils en seraient requis, etc. C’est à ces conditions que le roi leur ouvrit l’entrée de ses états et fournit des armes à ceux qui en manquaient.

Dans le principe, le corps des Gaulois venus en Asie se composait de trois tribus principales : les Tolistoboiens, l’une des plus puissantes tribus gauloises, qui fondèrent des établissemens dans la Germanie, dans l’Italie et dans l’Illyrie. Les Boiens, souche de cette tribu, habitaient la Lyonnaise et l’Aquitaine ; leurs premières migrations remontent à plus de 500 ans avant Jésus-Christ. Le second corps, celui des Tectosages, qui devint le plus puissant des trois peuples établis en Asie, faisait partie des Volces de la Narbonnaise. Il est à croire qu’ils furent souvent les compagnons des Boiens dans leurs expéditions lointaines, car César nous apprend qu’ils avaient aussi formé des établissemens en Germanie. Cette tribu était la plus nombreuse et la plus illustre, et les Romains la comblèrent de témoignages d’estime quand ils furent maîtres de toute l’Asie mineure. Le troisième corps, celui des Trocmiens, avait formé son nom de celui de son chef Trocmus. Il paraît avoir toujours été dominé par les Tectosages, et n’a pas laissé dans l’histoire le souvenir de grands exploits.

Le pays concédé par le roi de Bithynie à ces hardis guerriers ne pouvait suffire à leur ambition. Ils entreprirent bientôt des expéditions contre leurs voisins, qui tremblèrent et offrirent de leur payer tribut. Ils étaient entrés dans ces provinces comme les alliés d’un prince asiatique, et, tout barbares et illettrés qu’ils fussent, leur politique fut assez sage, assez habile pour attirer à eux tous les Grecs, les Phrygiens, délicats et frivoles habitans de ces villes somptueuses. Ceux-ci acceptèrent la rude amitié des Gaulois, et formèrent avec eux une alliance assez intime pour que le pays reçût des Romains eux-mêmes le nom de Gallo-Grèce, Toutes les nations de l’Asie mineure, menacées de loin ou attaquées de près, se soumirent à la domination gauloise, et l’Asie en-deçà du Taurus ne fut plus qu’un pays tributaire qu’ils se partagèrent à leur gré. Les Trocmiens eurent en partage les côtes de l’Hellespont, la Paphlagonie et une portion de la Cappadoce ; l’Éolide et l’Ionie échurent aux Tolistoboiens, qui allèrent s’établir au-delà du fleuve Sangarius, et les Tectosages prirent toute la portion septentrionale de la Phrygie et de la Cappadoce. Ils donnèrent à leur nouvelle conquête le nom de la mère-patrie, et la