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même, et de ne rien laisser, dans l’acquisition des idées, à l’initiative et à la force propre de la raison. Il y a des doctrines catholiques qui ne sont qu’une exposition de la foi ; d’autres sont une défense de la foi ; celles-ci sont une attaque contre la raison et la liberté au moyen du catholicisme. Après le triomphe définitif des idées libérales, les disciples de M. de Bonald, s’il en avait, ont dû dissimuler leurs opinions ; son parti, forcé désormais à des ménagemens, ne peut plus avouer son chef philosophique qu’en le déguisant et en l’atténuant. Au lieu d’un corps de noblesse et de l’abolition des chambres, on demande aujourd’hui le suffrage universel au nom de la légitimité et du droit divin. Quelques écrivains isolés, qui dans une même vie présentent deux carrières opposées, s’efforcent en vain de renouer leurs anciennes opinions aux nouvelles, et d’allier avec une politique libérale la guerre qu’ils font à la raison et à la liberté philosophique ; mais les uns sans renommée, et les autres sans influence, ils s’épuisent dans des sophismes qui font combattre la conséquence contre le principe, et ne pourront bientôt plus tromper personne. Ainsi disparaissent rapidement les derniers restes de l’école ; l’influence de M. de Bonald ne lui a pas survécu, et l’on peut dire dès aujourd’hui que sa cause politique est perdue à jamais, et que sa philosophie est morte ou va mourir.


Jules Simon.