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ses panégyristes nous apprend qu’il a avoué bien des fois depuis qu’il s’était trompé. D’ailleurs, il prit une part active à la discussion de cette triste loi de février 1822, qui établit qu’un journal ne peut être fondé sans l’autorisation du roi, attribue aux cours royales sans jury la suspension ou la suppression des journaux dont l’esprit serait mauvais, et autorise le gouvernement à rétablir la censure dans l’intervalle des sessions, si la gravité des circonstances l’exige. Cette loi fut adoptée au scrutin secret par 219 voix contre 137, malgré les énergiques remontrances de Casimir Périer, de Benjamin Constant, et de toute l’opposition. M. de Bonald fit publier son discours à part avec un appendice. Il revient souvent dans ses livres sur ce sujet dont il connaît toute l’importance. Il dit dans ses Mélanges : « On a réclamé la liberté de penser, ce qui est un peu plus absurde que si on eût réclamé la liberté de la circulation du sang ; mais ce que les sophistes appelaient la liberté de penser, était la liberté de penser tout haut. Or, parler et écrire sont des actions, et on ne peut demander de tolérance pour des actions coupables, sans rendre inutiles tous les soins de l’administration pour maintenir la paix et le bon ordre, ou plutôt sans renverser de fond en comble la société. » Cela rappelle les Lettres à un gentilhomme russe sur l’inquisition espagnole, dans lesquelles l’inquisition est défendue et soutenue par M. le comte de Maistre, « qui n’a jamais rien pensé que M. de Bonald ne l’ait écrit, ni rien écrit que M. de Bonald ne l’ait pensé. »

M. de Bonald n’est pas moins explicite en ce qui touche à l’éducation, et en effet, qu’on ne s’y trompe pas, ce sont deux libertés de même ordre qui ne peuvent être combattues qu’au nom du même principe, Que M. de Bonald sait bien où sont les forces vives de ses ennemis ! « Il n’est pas nécessaire au bonheur du peuple qu’il sache lire et écrire, dit-il ; cette connaissance n’est pas même nécessaire à ses intérêts. De bonnes lois et un gouvernement ferme et vigilant, voilà ce qu’il lui faut. » Du reste, on doit reconnaître à son honneur qu’il a été un des premiers à demander l’établissement d’un ministère de l’instruction publique, exclusivement chargé de prendre, pour l’éducation des enfans, « les mêmes soins que toute bonne administration prodigue à l’élève des bestiaux. Il est vrai que ce ministère ne sera pas précisément établi pour favoriser la diffusion des lumières ; il n’y a qu’à voir quelles seront les fonctions du ministre : il n’en aura pas d’autres que de prévenir toutes les innovations, même les plus indifférentes en apparence. Voilà bien le conservateur de vieille roche. On se croirait transporté au temps de Louis XIV, quand le