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cessité de la noblesse, et, grace à cette conséquence, il tenait autant pour le moins à l’intermédiaire qu’au principe.

« Unité, uniformité, union, dit M. de Bonald. Unité dans la constitution, uniformité dans l’administration, union entre les hommes. » Ce vœu est celui de quiconque est ami de l’ordre ; mais M. de Bonald parle ici de cette unité particulière qui consiste à soumettre toutes les volontés à une seule et non pas de l’unité qui résulte de l’équilibre et de la pondération de volontés diverses. Son premier soin, comme celui de Hobbes, c’est de constituer le pouvoir qui réalise le mieux son essence, c’est-à-dire le pouvoir le plus puissant. Dieu, qui a voulu qu’en toutes choses il y eût une cause, un moyen et un effet, veut que chaque terme conserve sa fonction propre ; que la force du moyen ne soit qu’une puissance empruntée et dérivée, et que tout repose en dernière analyse sur la cause unique qui rend raison du médiateur et de l’effet, et qui produit l’harmonie et l’unité de la série. C’est donc méconnaître l’ordre universel des êtres, résister à la volonté de Dieu, suivre la raison et la loi naturelle, ces deux sources de toutes les erreurs, que de donner une puissance propre à l’effet et au médiateur. La cause seule est cause, et elle n’est rien autre chose que cause, et elle est cause par institution divine. Dans la société religieuse, politique ou domestique, la cause s’appelle le pouvoir, le médiateur s’appelle le ministre, et l’effet s’appelle le sujet. Dieu, le prêtre et le fidèle sont les trois personnes de la société religieuse ; le roi, le noble et le peuple, les trois personnes de la société politique ; le père, la mère et l’enfant, les trois personnes de la société domestique. « La religion doit constituer l’état, il est contre la nature des choses que l’état constitue la religion. » D’où vient le pouvoir politique ? Il vient de Dieu, représenté sur terre par le pouvoir religieux. Le roi s’appuie sur le pontife, qui relève de Dieu sans intermédiaire, et remonte directement à lui par la révélation primitive. La première condition du pouvoir est d’être inamovible, d’abord parce qu’il est le pouvoir, ensuite parce qu’amovibilité et faiblesse sont synonymes. Les papes, vicaires de Dieu ici-bas, sont le pouvoir le plus plein, le plus complet, le plus divin, et il serait à souhaiter que leur suprématie fût unanimement reconnue ; cela serait philosophique et vrai en théorie ; cela serait utile en pratique, pour la conservation de l’ordre et de l’unité. Suivant M. de Bonald, cette utilité est si évidente, que la suprématie du pape a été réclamée par deux grands esprits, l’un philosophe et