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nous a parlé à ce propos de la fierté et de l’indépendance de son caractère. La politique de M. de Bonald est en effet une politique libérale et indépendante ! « Il ne faut, disait-il, être soumis qu’à Dieu et au souverain légitime, son représentant sur terre ; c’est ainsi qu’on est véritablement libre, car on est soumis à la loi générale, et indépendant de toute volonté particulière, même de la sienne. » Une indépendance si farouche n’était pas de nature à effrayer l’empereur. Ce ne fut qu’en 1810, deux ans après sa nomination, que M. de Bonald céda aux instances de son ami M. de Fontanes, et vint occuper la place qu’on lui avait destinée. Vers cette époque, il reçut du nouveau roi de Hollande une lettre confidentielle, pleine de résignation et de grace noble et touchante. Louis Bonaparte lui demandait comme une faveur de venir prendre soin de l’éducation de son fils ; M. de Bonald refusa ; ses vœux et ses espérances étaient ailleurs. Il reçut avec la même indifférence quelques ouvertures du cardinal Maury sur l’éducation du roi de Rome. Les Bourbons, en revenant en France, n’y trouvèrent pas de sujet plus dévoué ni de cœur plus fidèle ; il n’avait qu’un regret : c’était de voir ses princes légitimes transformés en rois constitutionnels. Il fit encore partie du conseil de l’instruction publique pendant la première restauration, sous la présidence de l’ancien évêque d’Alais, depuis cardinal de Bausset ; mais après les cent jours, ayant été envoyé à la chambre par les électeurs de l’Aveyron, il se dévoua sans réserve à ses fonctions législatives, et prit part à toutes les discussions importantes de la chambre des députés, jusqu’en 1823, époque où le roi l’éleva à la pairie. Il sembla qu’il n’était entré dans les assemblées politiques que pour faire passer dans nos lois les mêmes théories qu’il défendait constamment dans ses livres. Il proposa la loi sur le divorce, et concourut plus que personne à la faire adopter. Il prit part à la discussion des lois les plus dures : sur les cours prévôtales, la peine de mort, le sacrilége, la réduction du nombre des tribunaux et l’amovibilité des juges pendant la première année de leur institution. Ce fut lui qui, dans la discussion de la loi d’amnistie, proposa d’étendre encore les restrictions, et de déclarer par un article spécial que le roi pourrait décider dans tous les cas à son bon plaisir. On se rappelle ce mot tristement célèbre, prononcé par M. de Bonald dans une discussion sur la peine à infliger aux sacriléges : « C’est Dieu qui est l’offensé, dit-il ; renvoyons le coupable devant son juge naturel ! » Quand on vint proposer à la chambre une dotation pour le duc de Richelieu, il saisit cette occasion de faire l’apologie des majorats ; la division incessante des