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L’ALGÉRIE.

geur de 800 milles, vaste bande de stérilité et de solitude, qui partage l’Afrique en deux mondes opposés : au nord l’Afrique de l’Atlas, avec son climat et sa nature européenne ; au midi, l’Afrique des nègres, avec sa fertilité, son or et son esclavage immémorial ; à l’est, une étroite lisière de verdure et de fécondité, formée par la vallée du Nil, borne le Sahara, et encore les sables, poussés par le vent, font-ils souvent effort pour franchir cette barrière et aller rejoindre au-delà du Nil les sables du désert arabique. Mais à l’ouest, à partir du cap Noun, ils sont plus libres, et ils atteignent jusqu’aux bords de la mer Atlantique. Tel est le grand désert, sans verdure, sans eau, sans bruit, sans mouvement, sol uni et dur, couvert de sables, que les vents transportent çà et là en tourbillons impétueux. Cependant quelques îlots de verdure, connus sous le nom d’oasis, interrompent cette stérile monotonie ; mais ces îlots, malheur aux voyageurs qui ne savent pas les retrouver au milieu du désert ! malheur à ceux qui n’ont pas étudié la position des astres, seuls guides sûrs que les caravanes trouvent dans le Sahara[1] ! De là la vieille tradition d’Atlas, qui, selon la fable, soutenait le ciel sur ses épaules, et, selon la science, étudiait l’astronomie. Atlas était un chef de tribu qui savait les astres qui pouvaient guider les caravanes, à travers le désert, jusque dans l’Afrique méridionale.

Ce qui pousse les caravanes dans le désert, ce qui leur fait braver la fatigue et la soif, c’est l’or. Le Soudan, ou pays des nègres, est le pays de l’or. Là, disaient les anciens écrivains arabes, il y a des rochers d’or pur ; là, l’or naît du sable, comme ailleurs l’herbe sort de la terre. Le plus exact de ces écrivains, le moins crédule, le plus européen, Léon l’Africain, raconte que l’empereur de Tombouctou possède des lingots d’or du poids de mille trois cents livres. Les richesses du Soudan sont pour l’Afrique septentrionale ce qu’est l’Inde pour l’Asie septentrionale et occidentale ; elles exercent sur les imaginations un pouvoir irrésistible. À l’or ajoutez les esclaves et surtout ces esclaves noirs que la paresse et le luxe de l’Europe ont

  1. L’astronomie est, pour les tribus africaines qui confinent au grand désert et qui le traversent, une science nécessaire. Aussi dans ces tribus, quand la nuit vient, le plus ancien du village enseigne aux enfans le nom, la position et la marche des étoiles ; il leur dit ce que ses pères lui ont dit, ce qu’ils rediront à leurs fils. Et c’est ainsi que s’enseigne l’astronomie dans le désert ; science utile et sacrée, qui sauve l’homme de la mort et lui fait traverser sans crainte la mer de sable, qui s’enseigne sans instrumens, sans observatoire, sans télescope, sous un ciel toujours pur, qui laisse voir toutes ses constellations. (Pacho, Voyage dans la Marmorique.)