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L’ALGÉRIE.

une grande ferme à la Rassautah, entre l’Aratch et l’Hamise. Cette grande ferme était cultivée par des Arabes et des Cabyles. Au commencement, le gouverneur avait cru devoir placer dans la ferme de la Rassautah un détachement de cavalerie, pour protéger la ferme et le prince contre les tentatives de révolte des ouvriers arabes et cabyles qu’il employait. « Le prince a bientôt demandé qu’on lui retirât ces hôtes inutiles : il est resté avec quelques ouvriers allemands au milieu des indigènes, et jamais cheik ne fut plus respecté à la tête de sa tribu. L’opinion que ses nouveaux compatriotes ont conçue de ses sentimens religieux est une des principales bases de l’ascendant qu’il exerce sur eux. Une des premières constructions qu’il a fait élever est une chapelle, et c’est au son d’une cloche et au pied d’une croix que les Arabes se réunissent pour les travaux de la communauté[1] » « Les indigènes, dit M. Baude ailleurs[2], nous repoussent moins comme chrétiens que comme incrédules, et la fondation des églises d’Alger, de Bone et d’Oran est loin de nous discréditer à leurs yeux. » Ces paroles justifient ce que j’ai dit sur la force que l’église doit prêter à notre domination en Afrique.

J’attends beaucoup de l’église d’Alger, d’abord à cause de son évêque, mais surtout en voyant la carrière ouverte devant elle. L’église d’Alger est, en Orient, la seule église catholique qui soit libre, et qui ait près d’elle un gouvernement qui professe son culte : partout ailleurs le catholicisme est gêné et contraint. C’est donc à Alger seulement que l’église catholique peut en Orient avoir toute sa grandeur, et se montrer telle qu’elle est à des populations orientales qui n’adorent que ce qui est grand. À Constantinople, à Smyrne, à Alexandrie, quelle que soit la tolérance des Turcs, augmentée encore aujourd’hui par leur faiblesse, le catholicisme est le culte des étrangers et autrefois des esclaves. À Odessa, à Kiow, à Athènes, c’est un culte rival surveillé avec jalousie ; à Alger, c’est le culte du maître. Là l’église catholique n’est point forcée de s’abaisser et de se diminuer pour se faire supporter. C’est donc là que peut se renouveler plus librement qu’ailleurs l’alliance long-temps rompue entre le catholicisme et l’Orient ; et voilà, pour le dire en passant, ce que la cour de Rome a compris avec sa sagesse ordinaire, lorsque, sur la demande du gouvernement français, elle s’est hâtée d’ériger l’évêché d’Alger. Pendant que quelques membres du clergé français

  1. Tom. Ier, pag. 45.
  2. Tom. II, pag. 364.