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LITTÉRATURE ET PHILOSOPHIE CATHOLIQUE.

dant une espèce d’amnistie à Satan, lui céda l’empire du feu. M. Guiraud croit au feu central de Buffon, à la force d’expansion de M. Azaïs, à la force centrifuge de Newton (qui se serait attendu à trouver M. Azaïs entre Newton et Buffon ?) ; M. Guiraud croit à tout cela, parce que tout cela est pour lui la puissance satanique, telle qu’elle a été comprimée par la création du monde adamique et enfin par la rédemption. Nous sommes arrivés à la plus grande des préoccupations de l’auteur de la Philosophie catholique, au règne de Satan dans ce monde. M. Guiraud est poursuivi par l’idée et par l’image du diable ; il le voit partout, il lui attribue toute chose. S’il y a des volcans à Naples et en Sicile, si ces deux pays sont célèbres pour avoir été le théâtre des voluptés antiques, c’est que Satan a surtout établi son empire dans ces contrées. Il règne au surplus sur toute la nature : c’est lui, s’il faut en croire M. Guiraud, qui empoisonne les substances minérales mortelles à toute créature, qui infecte les végétaux de sucs délétères, qui nourrit les reptiles de hideux venins, qui répand dans l’atmosphère des vapeurs pestilentielles. Imputer toutes ces choses à Dieu semblerait à M. Guiraud le comble de l’impiété, et il a pris le parti d’en charger le diable. Il paraît que quelques catholiques, effrayés de tant de puissance accordée au démon, ont laissé échapper le reproche de manichéisme ; aussi, dans son second volume, M. Guiraud rappelle à ces chrétiens qu’il est de foi de croire aux anges, et conséquemment aux démons : notre auteur repousse ces molles condescendances d’un christianisme timide par lesquelles on évite de parler du diable et de sa puissance. En présence de la personnalité de Dieu, il faut placer la personnalité du mal. Pour croire véritablement en Dieu, il faut croire au diable, et voici l’acte de foi de M. Guiraud : « Nous croyons fermement que, depuis le péché, c’est Satan qui possède le monde, et qu’il l’a possédé presque sans obstacle jusqu’à la rédemption. » Aussi M. Guiraud soutient que Satan joue un grand rôle dans les affaires humaines, et il blâme Bossuet d’avoir mis Dieu seul dans l’histoire, il devait aussi y mettre le diable ; car, dit-il, si Dieu apparaît dans l’histoire quand il veut, Satan s’y montre tant qu’il peut. On reconnaît bien là le malin ; le drôle se montre tant qu’il peut. Ah ! Monsieur Guiraud, quand vous avez fait ce charmant tant qu’il peut,

Avez-vous compris, vous, toute son énergie ?

Dans la Philosophie catholique, le diable est si puissant, que Dieu accepte en quelque sorte, nous nous servons des expressions de