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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

vateur. » La conclusion, c’est que sir Robert Peel devait « seller son âne comme Architophel, prendre la route de son château, et quitter pour toujours la vie publique. » En même temps, que l’on remarque bien ceci, l’auteur du pamphlet se prononçait contre le bigotisme peu éclairé de sir Edward Knatchbull et de sir Robert Inglis.

Que cette brochure ait été ou non avouée, il n’en est pas moins vrai qu’elle exprimait alors l’opinion d’une fraction du parti tory. En présence du danger commun, ces querelles ont cessé, et dans les élections on a vu les amis de sir Rober Peel, et ceux de lord Stanley et ceux de sir Robert Inglis marcher d’accord et protester à l’exemple de leurs chefs, de leur union inébranlable ; mais croit-on que cette union en soit plus réelle, et que les passions soulevées au mois de novembre 1840 contre sir Robert Peel soient définitivement rentrées dans leur lit ? Ces passions, qu’on ne l’oublie pas, sont déjà vieilles, et depuis deux ans n’ont pas manqué une occasion de se manifester ; ce sont elles qui, à la fin de la dernière session, faisaient explosion à la fois dans tous les journaux conservateurs, et accusaient publiquement sir Robert Peel de déserter son parti et de vendre ses amis. Ce sont elles qui, en janvier dernier, dictaient au Standard un article singulier par lequel, faisant parler un tory de la vieille roche, il disait, en propres termes, que, si les conservateurs actuels succédaient aux whigs, ce serait « une bande de coquins à la place d’une autre. » Ce sont elles enfin qui, lors de la dernière vacance de Pâques, se faisaient encore jour par les plus perfides insinuations, entre autres par des lettres remarquables et remarquées, où sir Robert Peel était clairement accusé de professer des doctrines irréligieuses, et de préférer une philosophie païenne aux vérités révélées. « Peut-être un jour vous rendrons-nous le pouvoir, mais notre estime, jamais, » disait le lendemain de la coalition l’organe principal du parti conservateur en France à des hommes politiques auxquels, en effet, le pouvoir a été rendu. Tels sont à peu près les sentimens des ultrà-tories pour sir Robert Peel depuis l’émancipation.

Laissons, au reste, les journaux, et entrons dans la chambre des communes ; croit-on que là même sir Robert Peel puisse être sûr de son parti ? Je veux bien ne pas parler des tories de la vieille école, qui chaque jour versent des larmes amères sur l’émancipation catholique et sur l’adoucissement des lois pénales. Mais M. Gladstone est assurément un des membres tories les plus distingués, un de ceux qui, comme on dit, donnent le plus d’espérances. M. Goulburn a été ministre avec sir Robert Peel, et peut le redevenir. N’existe-t-il pas