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moins absolus que vous, et je ne serais pas surpris qu’un jour ils consentissent à la réforme qui vous paraît si injuste ; que feriez-vous alors ? — Je me séparerais des whigs, me répondit aussitôt lord Stanley ; sur beaucoup de points, je puis faire des concessions à mon parti, sur celui-là jamais. » À vrai dire, je ne pris pas trop au sérieux la réponse si péremptoire de lord Stanley, et je l’oubliai promptement ; mais comment ne pas me la rappeler, quand, sept ans après, je le vis précisément, à propos de la question dont il s’agissait, faire tout juste ce qu’il m’avait dit ?

Depuis deux ans, on avait voulu, dans des vues diverses, faire de lord Stanley le rival de sir Robert Peel ; heureusement pour les conservateurs, lord Stanley ne s’est pas prêté à cette manœuvre. Dans son dernier discours à la chambre des communes et plus récemment au dîner de la corporation des tailleurs, il a, au contraire, déclaré hautement et nettement qu’il reconnaît sir Robert Peel pour le chef du parti conservateur, et qu’après sept ans de vie commune et de coopération il est prêt à partager avec lui la responsabilité du pouvoir. Entre les deux fractions les plus voisines du parti whig et du parti tory la fusion est donc complète, et la tentative manquée en 1835 va se reprendre aujourd’hui.

Il y a peu de chose à dire de sir James Graham, jadis presque radical, premier lord de l’amirauté sous le ministère Grey, et qui, depuis, s’est constamment attaché à lord Stanley. Sir James Graham est le type de ces gentilshommes de campagne qui portent dans les affaires publiques quelque chose du laisser-aller et de la brusquerie de leurs habitudes ; ce n’en est pas moins un homme d’un mérite très distingué, un orateur habile et véhément. Pourtant dans la chambre des communes, à côté de sir Robert Peel et de lord Stanley, il ne tient nécessairement que la troisième place.

Entrons maintenant dans la chambre des lords, et voyons quels y doivent être les principaux personnages ministériels. À leur tête, il faut toujours placer, si sa santé le permet, le duc de Wellington. Non certes que l’ancien commandant des forces anglaises soit un homme de génie ou un bon orateur ; il a, tout le monde le sait, plus de fermeté dans le caractère que d’étendue dans l’esprit, et au temps même de sa gloire parlementaire il bégayait ses discours plutôt qu’il ne les prononçait. Mais, à défaut de génie, le duc de Wellington a un bon sens remarquable ; à défaut d’éloquence, une façon franche et un peu soldatesque d’aller droit au but, qui produit grand effet. Le souvenir de toute sa vie couvre en outre ses imperfections, et