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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

cette situation éminente, il s’honora aux yeux des libéraux, sans se compromettre aux yeux des tories, par de nouvelles réformes judiciaires et administratives. Mais en 1829, une grande mesure, celle de l’émancipation, à laquelle il crut devoir s’associer, jeta dans sa vie politique, jusqu’alors si facile et si sereine, de l’agitation et des tempêtes. En un jour, l’idole des tories devint l’objet de leur exécration, et les épithètes de traître, d’apostat, de monstre, de papiste enfin, ne furent point épargnées à sir Robert Peel par ses meilleurs amis. De plus, l’université d’Oxford, dont il était le représentant favori, le renia, et lui donna pour successeur sir Robert Inglis. Il faut rendre à sir Robert Peel cette justice, que, loin de plier sous l’orage, son caractère s’y retrempa et s’y fortifia. Il accepta avec autant de résolution d’esprit que de hauteur d’ame le défi qu’on lui jetait, et son talent trouva dans la lutte une vigueur et une élévation qu’on ne lui connaissait pas. Blessés au cœur, les ultrà-tories furent lents à pardonner, et, pendant dix-huit mois, le duc de Welligton dans la chambre des lords, et sir Robert Peel dans la chambre des communes, eurent à soutenir le choc d’une opposition où se confondaient lord Grey et lord Eldon, lord Holland et lord Winchelsea, M. Brougham et sir Edward Knatchbull, sir Robert Wilson et sir Robert Inglis, sans compter les amis personnels de M. Canning, M. Huskisson, M. Grant et lord Palmerston. À la mort du roi George IV et à l’avènement de son successeur, cette coalition nouvelle touchait à la majorité, et il y avait chance qu’elle l’emportât, quand la révolution de juillet vint changer la face des choses, et placer les partis sur un terrain tout nouveau. Peu de mois après, emportés par le mouvement populaire, Wellington et Peel donnaient leur démission, et lord Grey montait aux affaires.

Depuis cette époque, la vie de sir Robert Peel est suffisamment connue. Quand, en 1832, le bill de réforme mit sur le carreau les deux tiers de son parti, beaucoup d’autres se fussent découragés ou eussent cherché dans la violence une dernière consolation. Tout aussi ferme et plus modéré que jamais, sir Robert Peel accepta, sans hésiter, les faits accomplis, et ne songea plus qu’à les faire servir au triomphe de ses opinions. C’est alors qu’on le vit, profitant de la réaction qui suit naturellement tout grand effort politique, tendre d’un côté la main à ceux que le progrès des idées réformistes commençait à effrayer, contenir de l’autre les restes frémissans du vieux parti tory, et poser ainsi les bases du grand parti qui, sous un nom nouveau, le reconnaît à juste titre pour son chef. Personne n’ignore