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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

d’ailleurs que cette doctrine, il l’a pratiquée avant de la professer. En 1835, il était honoré de la confiance du roi et des deux tiers de la chambre des lords. Il ne s’en est pas moins retiré le jour où il lui a paru que l’appui de la chambre des communes lui manquait définitivement.

Pour mettre de son côté la théorie constitutionnelle et les précédens de toute époque, le ministère, au reste, n’avait que deux mots à dire : Dissolution, appel au pays. Ces deux mots, il les dit pendant le cours de la discussion, et dès-lors le terrain changea pour tout le monde. Whigs et tories, tout le monde pourtant passa à côté des trois mesures, ou du moins elles ne furent que fort indirectement abordées. Lord Sandon dirigea une vive attaque contre lord Melbourne, dont il rappela les déclarations précédentes. Sir William Follett, un des jurisconsultes et des orateurs les plus distingués du parti tory, énuméra toutes les défaites du cabinet depuis 1839. Lord Stanley, avec sa véhémence habituelle, s’écria que la mesure était comblée, et qu’il ne restait plus qu’à donner aux ministres, en termes bien clairs, un congé définitif. Sir James Graham enfin compara lord Melbourne et ses collègues « à ces locataires désespérés qui, lorsqu’ils reçoivent sommation de déguerpir, mettent eux-mêmes le feu à leur habitation, » et « à ces pirates qui, poussés dans leurs derniers retranchemens, courent au magasin à poudre une torche à la main. » Dans le camp opposé, lord Morpeth et M. Shiel, lord John Rusell et M. O’Connell, ne traitèrent pas l’opposition avec plus de courtoisie. Les membres tels que lord Worsley et M. Handley, qui, dans la question des sucres, avaient voté avec l’opposition, et qui, par une vieille fidélité de parti, votaient cette fois avec le ministère, eurent enfin à subir une attaque dont la vivacité amena, entre les whigs devenus tories et les tories devenus whigs, une guerre rétrospective de récriminations et de personnalités. Mais, encore une fois, des trois mesures en elles-mêmes, de celle surtout qui intéressait le plus le pays, à peine fut-il question. Au moment de la division, huit whigs s’abstinrent ; pas un ne vota avec l’opposition. Pas un tory, d’un autre côté, même de ceux qui représentent les grandes villes industrielles, ne vota avec le ministère. C’est donc comme chef du parti tory, non comme représentant du parti agricole, que sir Robert Peel obtint la majorité (323 contre 322) dans cette grave circonstance. C’est comme chef du parti tory qu’à dater de ce jour jusqu’à la dissolution il dirigea la chambre des communes et fit, au nom de la prérogative parlementaire, subir au ministère les plus