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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

tère, et que, privé pour son amendement conciliateur du concours des whigs aussi bien que des tories, il se déterminait à le retirer, et à voter purement et simplement contre la clause primitive. Cette clause resta donc seule en discussion, et, après avoir rejeté plusieurs amendemens radicaux qui reproduisaient le chiffre de 5 liv. et supprimaient la garantie des quatorze ans, la chambre vint au point de se prononcer par oui ou par non. Mais, au moment d’aller aux voix, M. O’Connell, par une singulière méprise, fit une motion dont le résultat, si la chambre l’adoptait, devait être d’annuler le bill. Les tories, au milieu de l’hilarité générale, voulurent d’abord profiter de la méprise, et insistèrent pour que la motion eût son cours. Néanmoins lord John Russell réclama, et sir Robert Peel ne voulut point d’une victoire ainsi gagnée. Pour tirer la chambre de l’embarras réglementaire où elle se trouvait, il proposa donc (il était trois heures du matin) que la discussion fût remise à quatre heures du soir, mais à la condition qu’aucun amendement nouveau ne surgirait, et que la chambre voterait sans plus de retard sur le bill du ministère. « De cette façon, dit-il, il n’y aura ni surprise ni équivoque, et l’on saura définitivement à qui appartient la majorité. » Lord John Russell accepta le rendez-vous, et le soir, à l’heure dite, les deux partis se présentèrent en force, bien décidés à vider le différend. Après quelques discours insignifians et pour la forme, la division eut lieu, et 300 voix contre 289 repoussèrent le bill ministériel. Le lendemain, au lieu d’annoncer la retraite du cabinet, comme on s’y attendait, lord John Russell et le chancelier de l’échiquier donnèrent avis des trois grandes mesures qui, depuis ce moment, ont presque exclusivement occupé l’attention.

J’aurais glissé plus légèrement sur ce débat, s’il ne me paraissait hors de doute qu’en réalité le ministère whig a été renversé, non sur la question des céréales ou des sucres, mais sur celle de l’enregistrement des électeurs irlandais. C’est une circonstance qu’il ne faut pas perdre de vue, et qui, si je ne m’abuse, doit avoir sur la situation du prochain cabinet une assez grande influence.

Ici se présente une question fort débattue dans le parlement, dans les meetings et dans les colléges électoraux. Avant la défaite du cabinet whig, il n’avait pas dit un mot des trois grandes mesures auxquelles il a depuis attaché son existence, et dans le discours de la couronne, programme ordinaire des travaux de la session, il n’était pas fait à une seule de ces mesures la plus indirecte allusion. Faut-il donc croire, comme sir Robert Peel, lord Stanley et sir James Graham