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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

hustings des discours couverts d’applaudissemens. Le jour de l’élection, il eut d’abord pour lui l’acclamation populaire (le vote par les mains), puis au scrutin près de deux voix contre une. Les whigs-radicaux en un mot furent battus dans une des villes où leur pouvoir paraissait le mieux assuré, et, ce qu’il y a de pire, battus par la défection d’une partie des électeurs sur lesquels ils croyaient pouvoir compter. En cas d’élection générale, un tel exemple était fâcheux et devait donner à penser.

Que l’élection de Nottingham y fût ou non pour quelque chose, toujours est-il que, le jour où le parlement reprit ses séances, le parti tory se montra beaucoup plus ardent qu’au début de la session, beaucoup plus pressé de prendre le pouvoir. Le ministère avait espéré le désarmer en élevant de 5 à 8 liv. sterl. le cens électoral en Irlande ; mais cette concession fut dédaignée, et dans une réunion de trois cents conservateurs qui eut lieu chez Robert Peel, on décida que tout accommodement serait refusé, et qu’on monterait bravement à l’assaut, drapeau déployé. Ce n’était pas, dit-on, l’avis de sir Robert Peel, homme prudent, réservé, temporisateur par excellence. Toutefois il est des jours où les chefs doivent céder à l’impatience des soldats, s’ils ne veulent perdre sur eux toute autorité. Or depuis long-temps on reprochait à sir Robert Peel ses ménagemens pour le ministère et ses hésitations. À sa froideur on opposait la fougue de lord Stanley, et l’idée de le déposer un jour, pour proclamer à sa place son ardent allié, semblait faire son chemin. Bien que paisible au milieu de cette agitation et assez habile pour échapper à ce danger, sir Robert Peel ne crut pas devoir résister davantage à ses amis. Il prit donc son parti, et se détermina à livrer la bataille décisive qu’il préparait depuis 1835 avec autant de patience que de perspicacité.

Cependant lord Howick s’était ravisé, et se disposait, de son côté, à donner à ses anciens collègues une dernière preuve de sa vive et sincère affection. Le 30 avril, à l’ouverture de la séance, revenant sur son approbation antérieure, il déclara qu’à ses yeux, comme à ceux de lord Stanley, le principe du bill ministériel était radicalement vicieux. On ne pouvait admettre que le seul fait d’occuper depuis quatorze ans un morceau de terre évalué à 5, 8, ou même 10 liv. st. de revenu, dût conférer le droit électoral dans le cas même où l’occupant paierait un fermage double de la valeur réelle. Il proposa en conséquence de substituer à la clause principale du bill une autre clause en vertu de laquelle il fallait, pour devenir électeur, posséder, en sus du fermage et de toutes charges, un intérêt réel