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implacables dans les deux chambres, d’une part les ultrà-tories, de l’autre les extrêmes radicaux. Il en fut encore ainsi, avec cette seule différence qu’on y mit plus de vivacité que jamais. Dans cette discussion, comme dans plusieurs autres, ce fut d’ailleurs sir Robert Peel qui dicta le vote. Ainsi lord John Russell voulait proroger pendant dix ans les pouvoirs de la commission centrale de surveillance : sir Robert Peel accorda cinq ans, et lord John Russell fut bien vite obligé d’y souscrire. Le lendemain, sur la nature même et sur l’étendue des pouvoirs à conférer à la commission, il fallut en passer par une concession analogue, et proclamer encore une fois aux yeux de tous que le gouvernement de la chambre appartenait désormais à l’opposition.

Je crois être certain qu’à cette époque le ministère se regardait comme assuré de passer la session, et que les chefs de l’opposition ne comptaient pas eux-mêmes faire un effort sérieux pour le renverser. C’est ce que constatèrent, pendant les vacances de Pâques, fort calmes d’ailleurs et fort silencieuses, les plaintes amères des tories exaltés. On remarqua beaucoup, notamment dans le Times, organe habituel du parti tory modéré, des lettres signées Atticus et distribuées à M. d’Israeli, par lesquelles le système de temporisation du duc de Wellington et de sir Robert Peel était vertement tancé. C’est alors que survint un incident fort inattendu et qui troubla singulièrement la quiétude du ministère, en même temps qu’il exalta les espérances des tories. Je veux parler de l’élection de Nottingham.

Nottingham est une grande ville manufacturière dont l’élection appartient de temps immémorial à l’opinion libérale. C’est pour la forme seulement qu’aux élections précédentes les tories y avaient produit un candidat, et quand son représentant, sir R. Ferguson, vint à mourir, personne ne pensa qu’il pût être remplacé autrement que par un radical ou par un whig. Le propriétaire du Times, M. Walter, tory très prononcé, songea pourtant à se mettre sur les rangs, comme ennemi du ministère whig, et comme ennemi plus décidé encore de la nouvelle loi des pauvres. Aussitôt, malgré sa couleur politique, les chartistes, qui sont nombreux à Nottingham, l’adoptèrent avec enthousiasme, et il se forma entre eux et les tories une subite coalition. M. Walter vint à Nottingham en même temps que son concurrent, M. Larpent, radical modéré, et, tandis que le radical ne pouvait se montrer en public ou ouvrir la bouche sans être hué comme un tory, le tory populaire comme un radical, se promenait triomphalement par la ville, et prononçait de sa fenêtre ou des