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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

tente de ces évènemens modérait et rapprochait l’Angleterre, elle devenait en Irlande un motif de plus d’agitation et une arme nouvelle entre les mains de M. O’Connell. Dès le lendemain du traité, M. O’Connell avait proclamé tout haut que l’Irlande, dans la grande lutte qui se préparait, ne prêterait secours à l’Angleterre que si l’Angleterre consentait enfin à lui rendre justice. Or, par ce mot, M. O’Connell n’entendait plus quelques mesures partielles et incomplètes. Ce qu’il lui fallait, c’était l’abolition absolue des dîmes, la suppression de l’établissement anglican et la séparation législative. « Pendant quelques années, s’écriait-il, j’ai consenti à ne plus parler de la rupture de l’union. Je voulais voir si, contre toute probabilité, un parlement anglais pourrait être juste pour l’Irlande. Aujourd’hui l’expérience est faite, et il m’est démontré que l’Irlande n’a rien à espérer de ses éternels ennemis. Il n’y a donc que la rupture de l’union qui puisse vous sauver. Hurrah pour la rupture ! Je vivrai désormais et je vivrai repealer. » Tel est le langage que M. O’Connell faisait retentir d’un bout à l’autre de l’Irlande, à Dublin, à Cork, à Limerick, à Waterford, à Ennis, à Drogheda, partout. De plus, il organisait une association pour la rupture de l’union, à l’instar de la vieille association catholique, avec une hiérarchie, des impôts, et même un uniforme.

Je reviendrai sur cette tentative, et j’examinerai si les circonstances nouvelles où l’Angleterre se trouve placée peuvent lui donner aujourd’hui quelques chances de succès. Il me suffit en ce moment de constater qu’elle n’en eut aucun sous le ministère whig, et que M. O’Connell y dépensa vainement son talent et son activité. En vain, quatre mois durant, son patriotisme se publia-t-il, et son éloquence se refusa-t-elle un instant de repos ; en vain appela-t-il à son aide la politique, la religion, l’industrie même, qui, disait-il, serait toujours paralysée en Irlande tant qu’on y consommerait des produits anglais ; en vain même, joignant l’exemple au précepte, le vit-on, dans une des réunions hebdomadaires de son association, faire circuler des draps pour femme de fabrique irlandaise, lancer l’anathème contre les fumeurs peu patriotes qui se servent de pipes hollandaises, et affirmer que de ses quatre fils, bien que fumeurs déterminés, aucun ne s’était jamais rendu coupable d’une telle énormité : industrie, religion, politique, aucune corde ne vibra, et le nerf principal de l’agitation comme de la guerre, l’argent, n’arriva que lentement et petitement dans les caisses de l’association.

Il est vrai que, pour cette fois, M. O’Connell se trouvait réduit à ses