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AFFAIRES DE SUISSE.

beaucoup d’autres choses étrangères à la question elle-même. On y lisait avec regret des anecdotes scandaleuses concernant les moines et les religieuses d’Argovie, qui n’étaient rapportées que d’après la rumeur publique, et des assertions également dénuées de preuves sur la part que tous les couvens auraient prise à la dernière révolte ; on y cherchait en vain des faits concluans et des raisonnemens solides. Réduite à une question de discipline intérieure et dégagée de toute complication diplomatique, l’affaire se présentait sous son véritable jour. Quant au discours de M. Wieland, il dura trois heures, sans rien contenir de plus décisif en faveur d’Argovie ; ce député termina son discours en annonçant que, si un arrêté diétal ordonnait la révocation des décrets, son gouvernement ne s’y soumettrait pas. Cette menace fut accueillie très défavorablement et nuisit à la cause au lieu de servir. Autant les membres de la diète auraient défendu l’état d’Argovie contre toute intervention étrangère, autant ils éprouvèrent de douleur en voyant un membre de la confédération déchirer le sein de la patrie commune et contester la libre et fraternelle action de l’autorité fédérale.

Après ces explications préliminaires, les membres de la diète développèrent successivement leurs instructions. La plus grande modération était toujours observée dans le langage, et le plus profond respect pour les souverainetés cantonales formait toujours le fond des discours, mais il était facile de voir que l’opinion favorable au maintien des couvens gagnait peu à peu du terrain. Le député de Zurich, M. de Muralt, un des hommes les plus influens de la Suisse, auquel ses instructions laissaient une assez grande latitude, se prononça en faveur de cette opinion. Un autre homme également influent et considéré, M. Baumgartner, député de Saint-Gall, motiva un avis analogue d’une manière très remarquable. M. Druey, député de Vaud, développa des considérations en faveur des garanties dues aux couvens, qui frappèrent beaucoup de la part du représentant d’un des cantons les plus protestans de la Suisse. Thurgovie, le Tessin et Berne furent les seuls cantons qui prirent ouvertement la défense d’Argovie ; les autres regrettèrent plus ou moins ce qui s’était passé, et, tout en indiquant pour la plupart des moyens de conciliation, exprimèrent le vœu que le gouvernement d’Argovie revînt sur sa décision. Dans sa quatrième séance, la diète décida, malgré l’opposition très vive d’Argovie, qu’une commission serait nommée pour lui faire des propositions sur les moyens d’aplanir la difficulté.