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L’ISTHME DE SUEZ.

prince, dans les pays qu’il a successivement possédés, ont toutes porté le nom de sa mère Bérénice, ou celui de ses deux sœurs Arsinoé et Philotéra.

On ne compte pas moins de quatre villes du premier nom, quatorze du second, et trois du troisième. Les unes ont été fondées dans la première partie de son règne, lorsque sa mère vivait encore, et les autres après la mort de cette princesse ; c’est ce qui explique pourquoi l’on ne trouve pas une seule Bérénice hors des côtes de la mer Rouge[1]. On doit en conclure, en premier lieu, que Philadelphe avait commencé, dès son avénement à la couronne, l’exécution de ses grandes vues sur le commerce de la mer Rouge ; en second lieu, que l’établissement de la route de Coptos à l’une de ces Bérénices, et la fondation de cette ville elle-même, dataient des deux premières années de son règne, et sont antérieures aux opérations entreprises pour rendre le canal navigable, puisqu’il donna le nom d’Arsinoé à la ville qu’il bâtit à l’embouchure de ce canal. C’est qu’en effet la destination de ces deux voies de communication fut différente.

Le port de Bérénice fut fondé pour recevoir les denrées de l’Arabie méridionale, de la côte orientale d’Afrique, et celles de l’Inde, qui arrivaient principalement par l’intermédiaire des Arabes, au moyen du cabotage, car alors le voyage direct était rare, difficile, et ne prit un véritable accroissement que sous les Romains, principalement depuis la découverte, faite par Hippalus, de la mousson qui portait du cap Syagus, en Arabie, droit à Musiris, sur la côte de Malabar. De Bérénice, ces marchandises arrivaient au Nil sur deux points différens, à Coptos, par la nouvelle route, en douze journées, et à Apollonopolis magna, beaucoup plus au sud, en suivant une vallée transversale, où Belzoni, MM. Cailliaud, Wilkinson et Lhôte ont relevé des stations antiques, avec de curieuses inscriptions. Les marchandises destinées pour l’Égypte inférieure suivaient la première route ; celles qui devaient rester dans les villes de la haute Égypte arrivaient par la seconde, et toutes deux servaient en même temps au transport des produits des mines d’émeraude, exploitées non loin de Bérénice.

Quand au canal, il servait principalement au transport des denrées de l’Égypte en Arabie ; c’était la même destination qui lui fut donnée

  1. Excepté celle de la Cyrénaïque, fondée par Magas, fils de Bérénice et de son premier mari.