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LE PORTUGAL.

reux appui ; l’ambassadeur d’Angleterre, lord Heytesbury, se mêlait des détails les plus intimes du palais ; certains confidens de la régente, allaient proclamer dans les carrefours et les cafés les délibérations du conseil, et, en avilissant le pouvoir, décourageaient ses partisans. C’était le gouvernement de tout le monde et de personne.

Cependant, grace au dévouement de quelques ministres tels que le comte de Lavradio[1], M. Trigoso, et aux talens militaires du comte de Villaflor, qui s’est depuis illustré sous le nom de duc de Terceire, la victoire appartint un moment à la cause du droit et de la justice. L’Espagne était toujours menaçante ; le gouvernement de Lisbonne pouvait être plusieurs fois vainqueur sans se consoler, et un seul revers suffisait pour le perdre : il eut recours alors à un remède peut-être nécessaire, mais douloureux ; il appela la puissance britannique à son aide. Les Anglais ne tirèrent pas l’épée, leur force morale contrebalança seulement l’influence espagnole, ils défendirent en quelque sorte les barrières du champ clos ; mais plus tard les constitutionnels payèrent de leur ruine cet appui passager. On sait que lord Stuart avait apporté du Brésil la charte de don Pedro, que le gouvernement anglais s’opposa ensuite à l’entrée des Espagnols, et enfin qu’il favorisa l’avénement de don Miguel. La politique britannique est généralement plus ferme que logique, et, si elle marche toujours vers un même but, c’est souvent par des voies contraires. Le premier point pour l’Angleterre était de séparer le Portugal du Brésil, afin de devenir elle-même la métropole commerciale de ce dernier pays ; le second, d’isoler le Portugal de l’Espagne. Pour cela, une charte pouvait être bonne, mais une charte donnait le pouvoir aux constitutionnels, qui, en 1820, avaient chassé les Anglais : de là les démarches contradictoires et les indignes trahisons.

Les intrigues étrangères n’affaiblirent pas seulement le gouvernement de Lisbonne ; elles s’étendirent aussi à Rio-Janeiro. Don Pedro obéit toute sa vie à de grandes idées, mais sa conduite ne répondit jamais à ses desseins. Sincèrement attaché au Brésil, il abandonna sa couronne portugaise sans regret ; plaçant sa gloire dans le triomphe des idées nouvelles, il donna une charte sans arrière-pensée ; malheureusement la vanité de l’homme était plus sensible que celle du prince, et don Pedro ne put résister au désir d’être considéré comme l’arbitre suprême d’un pays qu’il avait renoncé à gouverner. Il retint ce qu’il avait donné loyalement, devint le point de mire des ambitions mécontentes, et toutes les minorités factieuses s’adressèrent à lui. Il rendit des décrets, nomma des conseillers d’état, des pairs, entrava de mille manières l’exercice de l’autorité de la régente. Celle-ci, pour ne pas violer la charte, fut plus d’une fois contrainte de désobéir aux ordres de don Pedro ; et les cours étrangères, abusant de l’irritation du prince contre sa sœur, l’amenèrent à modifier la régence et à en investir l’infant don Miguel. Nommé régent, le prince s’empressa d’écrire à l’infante pour l’assurer de son dévouement sin-

  1. Don Francisco d’Almeida.