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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

souvent sans issue, de manière qu’une fois perdu, il faudrait, pour regagner le Nil, non-seulement se diriger à l’ouest, mais consulter la pente générale du terrain, et mieux, prendre en ligne droite à travers des gorges profondes, gravir ou tourner au plus près des montagnes infranchissables… Que Dieu préserve tout voyageur d’une pareille situation !

Quand au cheik, je le répète parce que cela me tient à cœur, il m’a été parfaitement inutile, mais j’ai dû le subir ; il fallait en effet, d’une façon ou d’autre, payer son tribut à la horde des Ababdehs et à leur chef. C’est, au surplus, une honte pour un gouvernement qui prétend à la civilisation que d’offrir si peu de sécurité aux étrangers dès qu’ils s’écartent du Nil, dont les rives elles-mêmes ne sont pas partout également sûres.

J’aurais probablement supporté moins amèrement les lenteurs et les inconvéniens du voyage, si les résultats archéologiques que je m’en promettais m’eussent procuré un dédommagement ; mais, je dois le dire à mon éternel regret, je n’ai rencontré dans tout le parcours de cette longue route qui menait à l’ancienne Bérénice qu’un seul monument égyptien, et encore sa position, à une journée du Nil, m’eût-elle permis d’y aller et de revenir en trois jours. Mais les cartes indiquent, à une ou deux stations plus loin, une longue suite de rochers portant des inscriptions hiéroglyphiques ; j’allai jusqu’au lieu présumé, et, ne trouvant rien, je continuai de poursuivre ma chimère jusqu’aux monts Zabarah, où, pour comble de disgrace, je ne trouvai ni inscriptions, ni monumens, ni même d’émeraudes, ce qui du moins eût payé les frais du voyage.

Ces mines, successivement ouvertes et abandonnées par les Égyptiens, les Grecs et les Kalifes, et plus récemment par Méhémet-Ali, ne paraissent pas avoir jamais produit d’émeraudes de quelque valeur. Aujourd’hui, c’est tout au plus si l’on rencontre, en cherchant beaucoup et en fouillant les veines de mica et de quartz qui leur servent de gangue, quelques parcelles de primule d’émeraude, et la seule que j’aie trouvée n’excède pas la grosseur d’une petite tête d’épingle. S’il en est ainsi de tous les gisemens de pierres précieuses, je ne m’étonne plus de leur excessive cherté, car la moindre pierre doit représenter bien des journées d’ouvriers. Je n’engagerai donc personne à chercher fortune ici, à moins que les hautes montagnes accumulées de ce côté, et si variées dans leur composition, ne renferment quelque autre richesse minérale inexploitée, ne fût-ce que le plomb, qui devient or dans le commerce. Cette variété de terrains