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le pape avait voulu que toutes les dépêches fussent écrites exclusivement de la main de cet ambassadeur, auquel il avait ordonné, sous peine d’excommunication, de ne révéler qu’au grand-duc ce qu’il pouvait apprendre sur ce procès. Niccolini dit aussi qu’on avait imposé silence à Galilée, et que non-seulement celui-ci ne voulait pas parler des interrogatoires qu’il avait subis, mais qu’il se refusait même à faire savoir si on lui avait défendu oui ou non de parler. Jamais Galilée ne voulut rien dire sur son procès. Une seule fois, exaspéré par la continuité des persécutions, il s’écria : On me forcera à quitter la philosophie pour me faire l’historien de l’inquisition ! Mais il se garda bien de réaliser ce dessein. Napoléon avait fait venir à Paris le procès original de Galilée, et voulait le publier ; à la restauration, ce manuscrit, qui était dans le cabinet de l’empereur, fut égaré ou caché, et on n’a jamais pu le retrouver depuis ; on a seulement su par Delambre, qui l’avait eu entre les mains, que ce procès était incomplet et qu’il ne contenait pas les interrogatoires. N’a-t-on pas quelque motif de supposer que tout ce mystère était destiné à cacher au public quelque fait grave ? Et que pouvait-on vouloir cacher dans un procès dont le résultat était proclamé, par les nonces du pape et par les inquisiteurs, d’une extrémité de l’Europe à l’autre, sinon quelque acte de barbarie, quelque raffinement de cruauté ? D’ailleurs on a exagéré la protection du grand-duc. Si Ferdinand II avait voulu protéger efficacement Galilée, il aurait dû se borner à ne pas livrer à un tribunal étranger ce grand philosophe, qui était né son sujet. Ce même Cioli, que nous avons déjà cité, et qui dirigeait toutes les affaires de la Toscane, écrivait à Niccolini qu’il ne fallait plus nourrir Galilée aux frais du grand-duc. L’ambassadeur répondit noblement qu’il se chargeait de la dépense. Mais ces deux lettres en disent assez sur les dispositions des Médicis pour Galilée. S’ils ne pouvaient rester indifférens à une gloire qui rejaillissait sur eux-mêmes, ils n’ont jamais prouvé qu’ils sussent justement honorer cet illustre vieillard, dont les plaintes semblèrent parfois les importuner. Même en laissant de côté les circonstances étrangères au procès, on trouve dans le texte de la sentence les plus fortes raisons de croire que Galilée a été soumis à la torture. Dans un passage de cette sentence, on lit ce qui suit : « Et, comme il nous a semblé que tu n’avais pas dit entièrement la vérité sur ton intention, nous avons jugé nécessaire de procéder au rigoureux examen contre toi. » Or, non-seulement dans tous les ouvrages spéciaux en matière d’inquisition le rigoureux examen s’explique par la torture, qui n’est jamais